Rossini, un miniaturiste
À l’Athénée, le ténor Michael Spyres et le pianiste Mathieu Pordoy remettent à l’honneur des mélodies et chansons écrites par Rossini tout au long de sa carrière.
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- 1er février 2022
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ROSSINI DÉCIDA DE NE PLUS ÉCRIRE d’opéras après Guillaume Tell (1829), mais continua cependant de composer. Jusqu’à sa mort, près de quarante ans plus tard, il signa notamment un Stabat Mater, la Petite Messe solennelle et un grand nombre de pièces brèves (pour voix et pour piano), réunies en grande partie dans le recueil Péchés de vieillesse. C’est dans ce recueil mais aussi dans les miniatures composées par Rossini tout au long de sa carrière qu’ont puisé Michael Spyres et Mathieu Pordoy. On précisera ici que Michael Spyres aborde sans les transposer des œuvres écrites en grande partie pour voix de ténor ou de soprano ; il délaisse, le temps d’une soirée, sa panoplie de baryténor sans pour autant renoncer à faire entendre les couleurs les plus graves de la tessiture de ténor. Car le récital donné à l’Athénée effectue un parcours musical allant de la déploration à l’exultation, des pages les plus méditatives aux pièces les plus festives.
Tout commence par un ensemble de trois mélodies en français, qui permettent au chanteur de s’installer, ce qu’il fait d’une manière un peu laborieuse, étonnamment, avec L’Âme délaissée (1844, sur un texte de Casimir Delavigne). L’Élégie sur une seule note (texte d’Émilien Pacini) et surtout Roméo, fragment de l’opéra sur Roméo et Juliette que Rossini n’a pas composé, conçu comme une chevauchée haletante, convainquent davantage par une attaque plus franche et un sens de la phrase musicale rapidement retrouvé. Michael Spyres franchit un pas supplémentaire avec des mélodies italiennes qui lui permettent de chanter avec l’allant et le brio qu’on lui connaît : il y a du drame et des interrogations dans L’ultimo ricordo (« Le dernier souvenir »), mais le pittoresque de Nizza n’est fait que de bonne humeur et Michael Spyres nous offre une Orgia on ne peut plus enlevée. Son Lazzarone (mot qui signifie à la fois « paresseux » et « gueux », voire « vaurien ») est aussi particulièrement bien croqué, et la célèbre Danza (1835), magnifique exemple de tarentelle napolitaine, est ici interprétée avec une aisance stupéfiante par nos deux compères.
Entre le rien et l’aria
Inutile de dire que le compositeur d’opéra est présent dans une grande partie de ces compositions qui, à côté de quelques chansonnettes de bon aloi, se rapprochent parfois de l’aria. Les pages pour piano seul que nous offre l’excellent Mathieu Pordoy, à titre d’intermèdes, sont plus modestes. Il est vrai que deux d’entre elles proviennent du cycle intitulé « Quelques riens » (volume 12 des Péchés de vieillesse). Tout aussi plaisante à écouter, la Barcarole (volume 6 des Péchés de vieillesse) n’a cependant rien de la puissance de celle de Chopin.
Michael Spyres a tout d’un artiste généreux, manifestement heureux d’être là devant un auditoire conquis. Il prend avec bonne humeur une petite panne de partition électronique (ah, rien ne vaut une partition imprimée qu’on tourne avec les doigts !), qu’il suffit de résoudre « en branchant le blue-tooth sur l’e-pad » (c’est ce que souffle aux artistes sur le plateau une voix du fond de la salle). Sur sa lancée, il n’hésite pas à chanter quatre bis : une mélodie italienne où Rossini se moque de lui-même et de sa propension au crescendo, une douce élégie en français, une Canzonetta spagnuola fondée elle aussi sur le procédé du crescendo ou plutôt de l’accélération graduelle, enfin Belta crudele, splendide mélodie de 1821. Et il se prête volontiers, avant d’aller signer ses enregistrements, à une séance de questions-réponses avec le public, à laquelle Mathieu Pordoy apporte lui aussi sa part de malice.
Illustration : Michael Spyres (dr).
Rossini : mélodies et canzone. Michael Spyres, ténor ; Mathieu Pordoy, piano. Théâtre de l’Athénée, 31 janvier 2022. Prochains lundis musicaux : avec Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid (le 14 février), avec Damien Pass et Alphonse Cemin (le 14 mars).