Du 22 janvier au 16 mars 2025 à 18h30 au Théâtre du Lucernaire 75006.

Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute par Sylvain Maurice.

Du théâtre vif jouant sur l’énigme des mots, silences, gestes et mimiques.

Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute par Sylvain Maurice.

Deux amis se retrouvent après être restés éloignés pendant un moment. H. 1 veut comprendre la raison de l’attitude distante de H. 2. Ce dernier rejette d’abord ses questions, puis finit par avouer qu’il a voulu rompre avec son ami à la suite d’une phrase prononcée sur un ton déplaisant : « C’est bien, ça. » Comique de situation, de geste, de mot, de répétition, avec « bien » accentué et étiré, puis une pause, un suspens, un silence, avant que « ça » arrive, sec.

Quel est ce rien ? Tout, c’est-à-dire la vie et le théâtre car l’échange vire au procès judiciaire où positions de l’accusé et de la victime alternent. Le différend fort dérisoire s’accomplit en un combat d’amour-propre « à mort ».

Or, pour le metteur en scène avisé Sylvain Maurice, la pièce Pour un oui ou pour un non concerne aussi l’amitié, « une amitié dont on ne peut, pour le meilleur ou le pire, se défaire », soit une valeur précieuse contre nos temps aux débats vains et superficiels.

Entre les deux personnages, un déséquilibre, une gêne implicites, mais les acteurs puisent en eux la matière de cette relation avec le partenaire/adversaire, entretenant une joute verbale ressaisie par le public. Un duel reposant sur les mots et les silences mais aussi sur le jeu de l’interprète - intonation, geste, déplacement, mimiques, détournement ou regard fuyant.

« La situation de Pour un oui ou pour un non n’est pas comique mais pourrait bien être tragique. Le rire n’est ni dans la situation, ni dans les mots mais dans le décalage entre le jeu et les mots, dans l’excès du jeu par rapport à ce qui est dit, dans cette obstination forcenée et ludique, dans cette opiniâtreté à traquer un détail insignifiant pour n’importe qui. » (Préface de Simone Benmussa dans Nathalie Sarraute Qui êtes-vous, La Manufacture, 1987)

H1 - Christophe Brault - manifeste une aisance à la fois naturelle et étudiée, coupable de condescendance - sentiment de supériorité, attitude et manière d’être, façon de dire et posture affable engageant son ami à s’expliquer. H1 est bien installé socialement, satisfait de faire partie de ceux qui accèdent au bonheur matériel - béatitude de pacotille pour H2 - Scali Delpeyrat - qui préfère simplement contempler rêveusement la nature ou la ruelle face à sa fenêtre.

H2 paraît d’emblée boudeur, querelleur, plus hésitant, moins inscrit. Le déséquilibre s’inverse peu à peu au cours de cette conversation sur scène, éloquente, détaillée et énigmatique. H1 perd de son assurance peu à peu.

Le ton est celui de l’emportement, l’impulsivité, l’imprévisibilité, créés à l’origine, par ce soupçon d’une intonation pernicieuse à la violence cachée, malgré le voeu sincère d’explication. Opiniâtreté, obstination, entêtement, la controverse ludique va et vient entre retournements et renversements.

Christophe Brault et Scali Delpeyrat donnent à l’écriture de Sarraute toute sa vigueur existentielle, telle une balle au bond qui n’en finirait pas de suivre sa course éperdue, entre envols et re-chutes successives, paradoxes contrôlés et compromis ajustés, offrant sur la scène le récit tonique de nos petites vies.

Pour un oui pour un non de Nathalie Sarraute, mise en scène et scénographie de Sylvain Maurice. Avec Christophe Brault, Scali Delpeyrat et Elodie Gandy, lumière Rodolphe Martin, son Jean de Almeida, costumes Amelie Hagnerel. Du 22 janvier au 16 mars 2025 (du mar. au sam. 18h30 / dim. 15h) au Lucernaire 53, rue Notre Dame des Champs 75006 Paris.
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage.

A propos de l'auteur
Véronique Hotte

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook