Molly Bloom

Avoir un sexe de femme

Molly Bloom

"Ulysse"de James Joyce demeure un monument de la littérature mondiale porteur de nombre de possibilités littéraires expérimentales de traiter le roman. Ses dernières pages sont le lieu où Molly Bloom s’exprime en tant que femme au corps habité par la sexualité.

Molly c’est la Pénélope de cette Odyssée du XXe siècle qu’est l’Ulysse de Joyce. À ceci près que si, chez Homère, elle reste chaste en attendant le retour de son mari Léopold Bloom, ici elle se confie sans fard, exposant sa perception féminine de la sexualité. La fin du livre lui est consacrée. Elle appartient au scandale qu’il a suscité au point d’être interdit de publication en 1921 et ne parut vraiment qu’en 1934.

En 1972, Monique Dorsel, jeune comédienne, créait à Bruxelles une adaptation de ce texte traduit et mis en scène par Jacques De Decker. Elle était en collant rouge, à côté d’un mannequin endormi figurant son homme. L’époque se prêtait bien à une interprétation très corporelle. Aujourd’hui, une autre comédienne belge, d’origine néerlandophone cette fois, qui a rempli une belle carrière internationale, reprend ce projet sous la direction de Jan Lauwers.

Le temps n’est plus à des tabous érigés en dogme. Même si la sexualité féminine est loin d’être acceptée telle quelle dans certaines nations, par certaines religions. La version présentée par Viviane de Muynck est celle d’une maturité esquissant un bilan de vie. L’homme est ici absent ; seulement évoqué par la présence de deux chaises, l’une pour l’époux, l’autre pour un potentiel amant.

Molly, elle, est une présence. En permanence, elle se confie. Non qu’elle se confesse. Sans vraiment de grands regrets. Elle retrace son parcours. Surtout celui de sa sexualité ne craignant pas les mots crus car elle est au-delà des tabous. Son corps n’est plus celui de la jeunette qu’elle fut. Qu’importe. Elle trace le portrait d’une époque, de l’amour, des humains.

C’est lucide. Un peu cynique. C’est une façon de gober la vie. Avec ses malheurs et ses bonheurs. Le désir y tient place et s’exprime librement. A l’heure actuelle, c’est plus facile qu’il y a cent ans. Encore que… Alors, même si les mots viennent de la plume d’un écrivain masculin, on écoute une femme : des ressentis, du refoulé, de l’assumé. Viviane/Molly évoque les complicités, les rebuffades, l’incompréhension, la fusion.

Elle s’affirme sur le plateau avec sa chair, avec les mouvements d’un corps qui s’insère dans l’espace, le parcourt, l’investit. Elle s’invente une cérémonie dont elle est la prêtresse autour d’une table lui servant d’autel. Elle témoigne de la vitalité de la vie qu’il est bon de poursuivre en dépit des obstacles, des douleurs, des déceptions. Obstinément. Pas très important que cela puisse paraître comme un bilan. Parce qu’il n’est pas clos. Il se révèle socle sur lequel s’édifie l’avenir quel que soit l’âge.

Durée : 1h30

Création,adaptation : Viviane De Muynck, Jan Lauwers
Traduction : Tiphaine Samoyault © Éditions Gallimard
Dramaturgie : Elke Janssens
Assistance dramaturgique, coordination : Melissa Thomas
Costumes : Lot Lemm
Conception éclairages : Ken Hioco, Jan Lauwers
Directeur technique : Ken Hioco
Technique : Tijs Michiels, Saul Mombaerts
Coach en langue française : Anny Czupper
Production : Needcompany
Coproduction : La Filature (Mulhouse)
Coprésentation Festival Temporada Alta (Girona), Festival de Otoño (Madrid), La rose des vents (Villeneuve d’Ascq), La Passerelle (Saint-Brieux), Espaces Pluriels (Pau)
Photo : © Maarten Vandenabeele

Lire  : James Joyce, « Ulysse », Paris, Gallimard, Folio Classique, 2013
Comparer  : version d’Hélène Arié et Anthony Cochin vue par Gilles Costaz www.webtheatre.fr/Molly-ou-l-Odyssee-d-une-femme-d

En tournée :
11-12 janvier 2022 La Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq (Maison Folie de Wazemmes) Festival Dire
05-07 avril 2022 La Filature (Mulhouse)
11-13 mai 2022 Centre culturel Vooruit (Gand [Be])

Molly Blum de James Joyce

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook