Maman revient pauvre orphelin de Jean-Claude Grumberg
L’étrangeté comique du cauchemar
Un homme en pyjama parle seul. Il vient d’être opéré. Dans le trouble que lui causent le séjour en hôpital et les phénomènes post-opératoires, il appelle sa mère. C’est Dieu qui lui répond : « Maman revient, pauvre orphelin ».
L’homme ne veut pas dialoguer avec Dieu, il ne croit pas en Dieu ! Il continue à monologuer. A la suite de la mère, angoissée et pleine de reproches comme tous les mères, et de Dieu, quelques personnes traversent sa conscience : un anesthésiste, un directeur de maison de retraite... Il appelle son père qui fut victime de l’extermination des Juifs et dont il n’a pas de souvenir. Et le père répond…
C’est la pièce la plus courte du théâtre de Jean-Claude Grumberg : moins d’une heure. Et encore ici est-elle précédée de la formidable notice que l’auteur écrivit sur lui-même pour un dictionnaire conçu par Jérôme Garcin où les écrivains devaient rédiger eux-mêmes leur analyse de leur vie et de leur œuvre (Grumberg s’ y appelle « on », utilisant le pronom indéfini et non « il »). Stéphane Valensi monte Maman revient pauvre orphelin avec une simplicité qui n’était pas tout à fait de mise à la création au Vieux-Colombier. Comme la pièce est un cauchemar aux tonalités comiques, il ne compose pas un tableau mais dénude l’espace en donnant son poids de vérité au personnage central, tandis que les autres personnages en jeu, figurés par Guilaine Londez et Marc-Henri Boisse, ne sont que des passants. Ce malheureux héros est joué par un acteur remarquable, Marc Berman, qui sait exprimer en même temps la douleur et la comédie, l’enfance et l’âge adulte. Rien de plus fort que ce type de rendez-vous intime avec l’Histoire.
Maman revient pauvre orphelin de Jean-Claude Grumberg, mise en scène de Stéphane Valensi, lumière de Pierre Gaillardot, costumes de Cidalia Da Costa, son de Denis Gambiez, avec Marc Berman, Guilaine Londez, Marc-Henri Boisse, Boris Winter.
Lucernaire, 18 h 30, tél. : 01 45 44 57 34, jusqu’au 21 juin. (Durée : 50 minutes).
Photo OpenWith Nicolas Lartigue