Opéra National de Paris – Bastille jusqu’au 14 février 2011
Madame Butterfly de Giacomo Puccini
La voix de Micaela Carosi réchauffe les glacis de Robert Wilson
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- 24 janvier 2011
- Critiques
- Opéra & Classique
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En rade dans la baie de Nagasaki, le lieutenant J.B. Pinkerton de l’US Navy s’ennuie et pour passer le temps, organise des noces locales pour épouser une jolie geisha de 15 ans qu’il oubliera aussitôt de retour au pays…Dans la version en trois actes du célèbre mélodrame de Puccini (1858-1924), cette Madame Butterfly bis créée en 1904 au Teatro Grande de Brescia, à défaut d’un happy end, c’est un lot de consolation qui clôt la triste destinée de la jeune japonaise qui se suicide quand elle réalise que son amour a été piégé… L’enfant né de cette union mascarade y retrouve son papa, et le papa en question, nanti d’une nouvelle et légitime épouse exprime son repentir…
Durant la direction de Gérard Mortier, le prédécesseur de Nicolas Joël à la tête de l’Opéra National de Pairs, cette deuxième version mise en scène par Robert Wilson en 2002 avait été rayée du répertoire, Mortier étant allergique à la musique du maître italien du vérisme. Elle est reprise faisant le bonheur des adeptes de Puccini et ceux de la griffe Wilson : ses abstractions, ses géométries, ses glacis, ses chorégraphies figées aux doigts écartés et la magie de ses lumières. Autant d’épures japonisantes loin, très loin des traditionnels cerisiers en fleurs, de la mer ondoyante et des obis chatoyants des estampes, une mise en images habiles qui fait oublier que si le Puccini préféré de ses fans se passe au Japon, il n’est en rien japonais.
Dépoussiérage chic ou contre sens ?
Perle du vérisme, sa voluptueuse musique s’offre un brin d’exotisme pour opposer deux civilisations et raconter une histoire d’abus de cœur. Wilson en fait une tragédie de style Kabuki. Dépoussiérage chic ou contre sens ? A chacun de juger selon son humeur.
Celle de l’orchestre en tout cas s’accorde bien au jus parfois sirupeux de ce Puccini que Maurizio Benini, après un démarrage un peu lent, un peu lourd, porte rapidement à son exacte altitude de battements de cœurs et de larmes. La voix chaude, le timbre d’or de la soprano italienne Micaela Carosi fait oublier la gestique amidonnée que Wilson impose à l’héroïne Cio-Cio San. A l’inverse le jeune ténor américain James Valenti, beau gosse mais timbre encore vert n’a pas su prendre le dessus de ses poses stéréotypées et encore moins à élargir sa voix, non dénuée de charme mais trop mince par rapport au volume requis par l’espace Bastille. Elle en devient incolore. Enkelejda Shkosa, mezzo albanaise corrige rapidement le vibrato de sa première intervention en Suzuki pour lui substituer un velouté délicat. Pour Sharpless le consul chargé d’apporter les mauvaises nouvelles, Anthony-Michaels-Moore joue et chante à la perfection la pudeur, la réserve et la compassion. Tous les rôles secondaires, Carlo Bosi en Goro, l’excellent Vladimir Kapshuk en prince Yamadori, Scott Wilde, Andrea Nelli et leurs camarades sont vocalement de belle tenue. Sans oublier l’enfant, le petit Randy Razafijaonimanana qui n’a pas les boucles blondes et les yeux bleus décrits dans le livret, mais une présence délicieuse.
Madame Butterfly de Giacomo Puccini, livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa, d’après la pièce de David Belasco, adaptée d’une nouvelle de John Luther Long. Orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Maurizio Benini, chef de chœur Patrick Marie Aubert, mise en scène Robert Wilson, costumes Frida Parmeggiani, lumières Robert Wilson et Heinrich Brunke, chorégraphie Suzushi Hanayagi. Avec Micaela Carosi, Enkelejda Shkosa, Anna Wall, James Valenti, Anthony Michaels-Moore, Carlo Bosi, Vladimir Kapshuk, Jiang-Hong Zhao, Slawomir Szychowiak, Andrea Nelli, Ilona Krzywicka, Vania Boneva, Catherine Hirt-André, Théo Vandekasteele en alternance avec Randy Razafijaonimanana.
Opéra Bastille, les 16, 19, 22, 27, 29 janvier, 1, 4, 7, 10, 14 février à 19h30.
08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 – www.operadeparis.fr