Love Letters de A-R Gurney
l’amour au fil...de l’encre
Tout commence sur les bancs de l’école, par quelques phrases griffonnées sur un coin de cahier et une invitation à un goûter d’anniversaire. Alexa et Thomas vont s’écrire toute leur vie. Au fil de leurs échanges épistolaires et de leur rythme, de mots brefs en missives plus longues, d’épanchements en simples vœux, ce sont deux vies qui se racontent, deux caractères différents qui se dessinent. Lui plutôt sérieux , du genre bûcheur est devenu sénateur ce qui ne va pas sans contrainte et responsabilité. Elle, d’abord tout de prime saut provocateur, qui préfère dessiner, n’a pas plus réussi sa vie de famille que sa vie d’artiste peintre. Ils s’aiment mais ne savent pas se le dire, ou alors à contretemps, et le peu qu’ils vivront leur amour, ce ne sera pas au bon moment.
A travers les hasards, les réussites et les mécomptes d’un destin où leur chemin ne peut se croiser, leurs lettres, brèves ou longues, tendres ou acerbes, pétries d’humour ou de chagrin, sont le fil qui les lient à jamais l’un à l’autre.
Une version revivifiée
Depuis sa création en France en 1990 Love Letters revient si régulièrement à l’affiche que peut surgir quelque tentation de zapping en maugréant : encore ! Plutôt que d’y céder, ce qui serait une grave erreur, mieux vaut courir au Théâtre du Lucernaire où Isa Mercure et Gilles Guillot nous en offrent une version…singulièrement « rafraîchie » qui en ravive ses couleurs et ses nuances.
Il y a belle lurette, il est vrai, que ces deux-là, avec leur Théâtre du Barouf, et hors des chemins convenus, de Prévert à Rémi De Vos, en passant par Tardieu, Michaux, Colette, Maupassant ou encore Philippe Minyana…, excellent « à mettre en forme l’indicible » et fourbissent en toute subtilité et humour des spectacles qui donnent tout pouvoir aux mots.
De ceux de Love Letters , ils font une vibrante partition en rose et noir, rire et douleur. Sans rien lâcher des lois édictées par l’auteur qui commande que les comédiens, assis face au public, lisent les lettres sans jamais se regarder, ils sèment des indices qui lèvent le voile d’une pièce de théâtre qui sous couvert de correspondance, interroge les aléas de la vie, nos feintes, nos esquives, la stupide soumission aux conventions, les petits arrangements qui finalement vous gâchent l’existence quand ils ne vous laissent pas carrément au tapis. Superbe !
Photo Lot
Love Letters de A.R. Gurney mise en scène et interprétation Isa Mercure et Gilles Guillot 1h 30
Théâtre du Lucernaire. tel 01 42 22 66 87 du mardi au samedi 19h jusqu’au 10 novembre.