Paris – Opéra Comique jusqu’au 28 juin 2012

Les Pêcheurs de Perles de Georges Bizet

Quand le charme nostalgique de la musique se heurte au minimalisme enflé d’une mise en scène

Les Pêcheurs de Perles de Georges Bizet

Durant l’entracte on pouvait entendre des quadras, quinquas, sexagénaires et plus soupirer : « ça me rappelle mon grand-père, mon grand oncle…. ». « Oui c’est elle, c’est la déesse  » - « Je crois entendre encore, caché sous les palmiers… », « Au fond du temple saint… » : les grands airs et les duos du premier grand opéra de Georges Bizet (1838-1875) restent dans les oreilles par générations interposées.

A sa création en 1863 au Théâtre-Lyrique, Bizet n’avait que 24 ans. Après la mort du compositeur foudroyé par une crise cardiaque douze ans plus tard, cet opéra de jeunesse sera éclipsé par Carmen, l’opéra ultime dont il ne connaîtra jamais l’irrépressible renommée planétaire. L’Opéra Comique inscrivit ces Pêcheurs de Perles à son répertoire en 1893 dans une version révisée par un autre compositeur (Carvalho) ! Puis on l’oublia. Cette version y réapparut à plusieurs reprises dans les années trente, puis à la mi-temps des années cinquante, ce qui explique sans doute son actuel effet souvenir de famille. C’est en1991 seulement que fut restituée la version d’origine que reprend l’actuelle production.

Un maximum d’effets

Comment restituer aujourd’hui, l’exotisme d’un Ceylan de nulle part, totalement sorti des rêveries d’évasion d’un temps où ces contrées n’avaient pratiquement jamais été foulées. Au kitsch orientaliste des anciennes approches, le metteur en scène japonais Yoshi Oida tente de substituer une forme de minimalisme hérité de Peter Brook avec lequel il travailla longtemps et qui est devenu son label. C’est raté. Le minimum voulu accouche d’un maximum d’effets, dans un décor envahissant dominé par une toile de fond aux couleurs entrelacées avec une dominante de bleus (la mer ?) qui rappelle les toiles de Gerhard Richter de la fin des années quatre vingt. Deux miroirs latéraux, de part et d’autre de la scène, en renvoient les flux et reflux, un plancher incliné au ton paille (la plage ?) donne à une troupe de danseurs l’occasion de glissades et de reptations qui, si elles meublent plutôt joliment les ouvertures et moments purement orchestraux, se transforment en parasites durant les morceaux chantés.

André Heyboer au centre de l’histoire

Fort bien chantés d’ailleurs… La jeune soprano bulgare Sonya Yoncheva entre en souplesse et belle projection dans le rôle de Leïla, la prêtresse des pêcheurs promise à la chasteté mais trop aimée de Zurga et surtout de Nadir, l’élu de son cœur. Du tempérament, une belle présence, un timbre lumineux, des ressources dans les aigus mais un phrasé français pas toujours net. Nadir, son bien-aimé, qui a l’accent russe du ténor Dmitry Korchak réussit à être audible mais n’arrive pas à arrondir les angles d’un timbre souvent coupant. Il est vrai que les voix idéales pour ce type de registre sont si rares qu’elles finissent par servir de modèles, voire de légendes de Vanzo à Alagna en passant par Kaufmann. André Heyboer, baryton, mène Zurga, l’ami, l’amoureux pas de chance, au centre de l’histoire et en fait le héros, tant par la chaleur de sa voix que par sa présence si secrètement tourmentée. La basse Nicolas Testé confère noblesse et dignité prêtre Nourabad.

Belle prestation du chœur Accentus. Le Philharmonique de Radio France a été confié au britannique Leo Hussain qu’il le dirige en eaux sombres de rage et d’orage.

Pour entendre Bizet dans sa fraîcheur, ses ciselures et son élégance si française, il fallait, au lendemain de la première de ces Perles, s’en aller pêcher dans la même salle sur les rives des « Rumeurs » qui accompagnent chaque production de l’Opéra Comique. L’Orchestre de chambre Pelléas et son Ensemble vocal faisaient entendre l’Arlésienne sous les battues ludiques, vif argent de Benjamin Levy. Un régal.

Les Pêcheurs de Perles de Georges Bizet, livret d’Eugène Cormon et Michal Carré. Orchestre Philharmonique de Radio France, chœur Accentus, direction Leo Hussain, mise en scène Yoshi Oida, chorégraphie Daniela Kurz, décors Tom Schenk, costumes Richard Hudson, lumières Fabrice Kebour. Avec Sonya Yoncheva, Dmitry Korchak, André Heyboer, Nicolas Testé.

Opéra Comique les 18, 20, 22, 26 & 28 juin à 16h – le 24 à 15h.

0825 01 01 23 – www.opera-comique.com

Photos Pierre Grosbois

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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