Les Oubliés Alger-Paris de Julie Bertin et Jade Herbulot

Empreintes de l’histoire coloniale

Les Oubliés Alger-Paris de Julie Bertin et Jade Herbulot

Le Birgit Ensemble de Julie Bertin et Jade Herbulot, repéré pour ses représentations de phénomènes contemporains (Memories of Sarajevo, Dans les ruines d’Athènes), est déjà à la Comédie-Française ! Eric Ruf a demandé aux deux directrices de travailler sur un autre pan d’histoire. Elles ont choisi de traduire l’empreinte de la guerre d’Algérie dans la société française. A l’occasion d’un mariage entre un jeune Français dont les parents sont algériens et une jeune fille dont le père a été favorable (de façon plus ou moins consciente) à la politique coloniale de son pays, les langues se délient. Quelques non-dits viennent à la surface, des désaccords restés invisibles se dévoilent. Le spectacle intègre des projections d’images d’actualités anciennes et surtout des scènes arrivant en flashes-back. L’une des parties du décor est un bureau de maire, décoré par la statue de Marianne : il peut devenir le bureau élyséen du président de la République, et certains événements y revivre, depuis les nouvelles des premières barricades à Alger jusqu’au coup d’Etat des généraux de l’OAS.
Le Vieux-Colombier a été transformé en un théâtre bi-frontal : on ne voit pas tout à fait la même chose d’un côté et de l’autre. Mais les différences ne sont pas doute pas bien grandes. Chaque spectateur peut suivre les dialogues vigoureux qui accompagnent la cérémonie de mariage et chacun voit Bruno Raffaelli se transformer tout à coup, et brillamment, en général de Gaulle, ou bien Danielle Lebrun être successivement la mère du marié et Yvonne de Gaulle, ou bien Serge Bagdassarian passer du rôle d’ami des mariés à celui de chef de cabinet du Président. Avec eux d’autres acteurs se détachent dans le tohu bohu des noces : Nâzim Boudjenah, excellent en jeune époux prudent mais sans lâcheté, Pauline Clément, éclatante en épouse volubile, Jérôme Pouly, en cousin un peu dépassé (en même temps que gouverneur général d’Alger), Eric Génovèse, qui est tantôt petit fonctionnaire tantôt le premier ministre Michel Debré, Sylvia Bergé, qui change du tout au tout en étant successivement la maire d’un arrondissement de Paris et la secrétaire de la Présidence.
Le spectacle est vivant, animé, contradictoire. C’est un plaisant moment d’Histoire, joué dans une incessante mobilité. Mais il manque d’inattendu, de mise en perspective nouvelle, comme si la part de travail en improvisation avec les comédiens n’avait pas dégagé de blessures secrètes.

Les Oubliés Alger-Paris de Julie Bertin et Jade Herbulot – Le Birgit Ensemble. Scénographie d’Alice Duchange, costumes de Camille Aït-Allouache, lumière de Jérémie Papin, vidéo de Pierre Nouvel, son de Lucas Lelièvre, collaboration à la dramaturgie de Valérian Guillaume, avec Sylvia Bergé, Eric Génovèse, Buno Raffaello, Jérôme Pouly, Serge Bagdassarian, Nâzim Boudjenah, Danièle Lebrun, Elliot Jenicot, Pauline Clément.

Vieux-Colombier, Comédie-Française, 20h30, tél. : 01 44 30 57 00 et 01, jusqu’au 10 mars. (Durée : 2 h 10).

Photo Christophe Raynaud de Lage : Nazim Boudjenah, Pauline Clément, Jérôme Pouly.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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