Les Chagrins blancs.

De fil en aiguille

Les Chagrins blancs.

« On a fait tout ça pour que tu t’accomplisses, pas pour que tu t’achètes des mouchoirs » explique Octavie à son arrière-petite-fille, Virginia, jeune femme de vingt cinq ans, qui, si on en croit les apparences, a tout pour être heureuse. Mais les apparences sont trompeuses. Héritière de l’hôtel particulier, dont elle a transformé une des pièces en atelier de couture, visiblement à l’abri du besoin, c’est justement le poids de son héritage , « le talent de ma mère, la réputation de ma grand-mère et le pognon de mon arrière-grand-mère » , qui l’entrave et bloque ses élans créateurs de jeune styliste.

L’imagination en berne au moment de finaliser sa robe de fin d’étude, Virginia ( Caroline Sahuquet ) décide d’en finir. A peine a-t-elle avalé son tube de barbituriques que débarquent Viviane, sa mère ( Barbara Grau) , Victoire sa grand-mère qui, en son temps, lui donna des leçons de maintien (Alexandra Galibert), et Octavie sa pétulante arrière-grand-mère au franc parler ( Stéphanie Colona). Toutes trois mortes et se précipitant au chevet d’une vivante mal en point pour une opération de sauvetage.

D’abord affolée par l’apparition de ses visiteuses, Virginia se rebelle et tandis qu’elle en découd avec son ascendance qui l’a « laissée sans mode d’emploi », les trois femmes, aux tempéraments et aux destins contrastés, vont entreprendre de créer la robe et , en même temps, reprendre pour elle le fil de leur histoire. Trois générations se racontent et parfois s’affrontent en vidant d’anciennes querelles de mère et de fille. Elles évoquent leurs rêves et leurs empêchements, révèlent, au détour, des blessures restées enfouies. De fil en aiguille, elles finissent par mettre des mots sur les maux d’une histoire familiale tissée de non-dits.

A travers le passé sulfureux d’Octavie, le féminisme un peu rigide de Victoire, l’accident de voiture, peut-être volontaire, de Viviane, les angoisses de Virginia, la pièce, cousue main par les quatre comédiennes co-auteures, tire avec fantaisie – « mieux vaut en rire qu’en pleurer » dixit Octavie - les fils de la transmission, de la solitude, des méfaits du silence en même temps qu’elle témoigne de la lucidité que les femmes ont pu porter et portent encore sur elles-mêmes et leur condition.

Si l’on peut regretter quelque points encore un peu lâches aux coutures , qui devraient se resserrer au fil des représentations, le spectacle n’en reste pas moins une émouvante et pertinente traversée de l’histoire des femmes à travers le temps.

Les Chagrins blancs {{}} de et avec Stéphanie Colona, Alexandra Galibert, Barbara Grau, Caroline Sahuquet. Mise en scène Justine Heynemann 1h20
Théâtre Mouffetard jusqu’au 5 novembre tel 01 43 31 11 99

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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