Le Prince travesti de Marivaux

Les quiproquos et leurs climax

Le Prince travesti de Marivaux

Comme pour boucler une boucle, Daniel Mesguich revient à une pièce qu’il monta dans ses débuts et dont la mise en scène eut un fort retentissement dans les années 70, Le Prince travesti de Marivaux. Le grand Michel Cournot n’écrivit-il pas dans Le Monde qu’il y avait désormais « le théâtre avant Mesguich et le théâtre après Mesguich » ? La pièce a, sur une durée assez courte, toutes les merveilleuses circonvolutions de l’auteur : un prince déguisé en non-prince suscite l’amour d’une princesse qui, elle, ne triche pas sur ses titres de supériorité. Mais il s’éprend d’une autre femme, la messagère de la princesse. Comment débrouiller tout cela ? Arlequin, qui transporte les messages et se trompe sur les destinataires, n’arrange rien. Mais l’amour triomphera d’autant plus facilement que la princesse trouvera un autre prince, également déguisé en subalterne, à se mettre sous la dent.
Pour qui a déjà vu des classiques montés par Mesguich (qui peut encore nous étonner quand il s’attelle à des modernes ou à du burlesque teinté d’absurde), la soirée n’a rien de surprenant. Tout le système est en place : jeux de miroirs, rideaux rouges, éclairages qui définissent des cercles et des allées, maquillages hyper théâtraux, fréquents passages à l’obscurité, sons tonitruants pour souligner l’importance des événements – nos oreilles ne ratent aucun climax ! Le metteur en scène veut signifier combien ce comique contient de tragédie et, en même temps, jouer avec les codes du théâtre qu’il démultiplie autant qu’il peut. Jeu de pistes, jeu d’enfants : tout cela se regarde avec amusement et sans passion. Sarah Mesguich et William Mesguich (qui en fait peut-être trop en rival amoureux boiteux et catarrheux, mais il fait ce qu’on lui demande) sont dans le ton général qui emprunte au mélodrame et au picaresque. Steren Guirriec, dans le rôle central d’Hortense, joue plutôt le maniérisme et la joliesse. L’interprète d’Arlequin, Alexandre Levasseur, met un peu de santé rabelaisienne dans cette orchestration trop préméditée. Fabrice Lotou et Alexis Consolato se montrent fidèles à l’élégance classique. Rebecca Stella donne un bel éclat naturel au rôle secondaire de Lisette. Mais ce bricolage maniaque des ambiances, des réglages de projos et des rires féminins est devenu si rétro…

Le Prince travesti de Marivaux, mise en scène de William Mesguich, costumes de Dominique Louis, scénographie de Camille Ansquer, son de Franck Berthoux, maquillage d’Eva Bouillaut, avec Sarah Mesguich, Fabrice Lotou, Sterenn Guirriec, William Mesguich, Alexandre Levasseur, Rebecca Stella et Alexis Consolato.

Théâtre de l’Epée de Bois, cartoucherie de Vincennes, tél. : 01 48 08 39 74, jusqu’au 10 avril. (Durée : 1 h 50).

Photo Arnold Jerocki.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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