Paris-Lucernaire

La vie sinon rien de Antoine Rault

Jusqu’à la dernière miette

La vie sinon rien de Antoine Rault

« Je suis mort ce matin à 5h40 » Pierre Taraud, debout, contemple son cadavre encore tiède, commente l’attitude de ses proches, estime prohibitif le coût du cercueil et de l’enterrement et se demande qui vivait exactement au creux de cette carcasse gisante. Un homme à la cinquantaine affairée qui vient de faire un cauchemar. Un homme qui vient de recevoir le ciel sur la tête, un cadre pressé, stressé, que son job n’exalte plus mais néanmoins dévore, que tout exaspère, le train-train quotidien, sa femme qu’il ne regarde plus, ses enfants qu’il n’entend plus. Bref un homme ordinaire recroquevillé dans sa peau, qui, un beau matin, à l’occasion d’une banale visite médicale, apprend qu’il est atteint d’une maladie rare. Vingt-cinq en France, quatre dans la région parisienne en comptant la sienne.

La vie c’est les autres

Ebahi, effaré, révolté « Pourquoi moi ? » et « pourquoi n’ai-je pas un cancer comme tout le monde » se demande notre homme un peu frustré de ne pas faire sensation avec sa maladie rare. Forcément, « comme personne ne sait ce que c’est, ça impressionne moins ». D’examens radiologiques au cours desquels « on sent qu’on ne sera jamais un sex-symbol », en visites médicales, de plongée alcoolique en week-end à Vienne, de scènes cocasses en moments douloureux, nous suivons l’itinéraire d’un homme qui, peu à peu, prend conscience que ce n’est pas le temps qui passe, mais lui à côté de sa vie. L’ours grognon et colérique, en s’ouvrant aux autres, découvre que la vie est une belle aventure dont il entend profiter « jusqu’à la dernière miette ».

Un homme bien ordinaire

Amateur de traversées solitaires, Bruno Abraham-kremer, qui nous régala d’une savoureuse « Trilogie de l’invisible » ( Le Golem, Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran) rêvait, avoue-t-il, d’un « nouveau cycle sur le thème de la « réconciliation de l’homme avec lui-même », lorsque Antoine Rault lui proposa La Vie sinon rien, premier volet d’un triptyque dédié à « l’homme ordinaire contemporain ».
Bien ordinaire en effet cet homme sur la scène de la Comédie des Champs-Elysées qui du lit conjugal au tombeau qui le hante (scénographie de Philippe Marioge) tente de réapprendre à vivre, en nous faisant sourire, mais sans vraiment nous convaincre.
Sans doute plus inspiré par les méandres intimes de personnages d’exception tels Richelieu (Le Diable rouge) ou Louis Althusser (Le Caïman) Antoine Rault englue son Monsieur tout le monde dans une banalité de réflexions et de réactions qui confine au cliché, mais que la chaleureuse présence et le jeu en virevoltes de Bruno Abraham-Kremer arrivent à sauver de l’indifférence.

La Vie sinon rien de Antoine Rault mise en scène et jeu Bruno Abraham-kremer. Durée : 1h30
Lucernaire à 21h30 tel 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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