La tragédie est le meilleur morceau de la bête de Denis Chabroulllet

Une esthétique amère et explosive

La tragédie est le meilleur morceau de la bête de Denis Chabroulllet

La compagnie de la Mezzanine illustre depuis bien longtemps une forme de théâtre qui tend à disparaître : des spectacles délirants, d’une fabrication complexe, qui n’ont pas peur de ce qu’on appelle le mauvais goût et provoquent à la fois les mœurs, la morale et les pensées officielles. Installée en Seine-et-Marne, l’équipe dispose d’une grande bâtisse en Limousin, où elle procède patiemment à la création de ses décors alambiqués et organise des courses cyclistes en été. Ces gens-là ne peuvent pas être de mauvais artistes !
Leur nouveau spectacle représente une forme de renouveau dans leur parcours. Denis Chabroullet, l’auteur et maître d’œuvre, s’inscrit cette fois dans la commémoration de la guerre de 14-18 mais à sa façon, qui est de montrer l’horreur et la stupidité du conflit dans une esthétique amère et explosive. Le décor est colossal : des piles de sacs emplis de sable, des échelles, des caissons, des engins métalliques ici et là, de la terre répandue à l’avant-scène, la terre des tranchées, et, au milieu de tout cela, cinq hommes (parfois plus, quand une marionnette géante figure un soldat de plus, français ou allemand). Ces poilus se débattent, survivent, mangent, boivent, reboivent, ânonnent, rêvent de femmes, se battent au corps à corps, tandis qu’au loin, les planqués voient la vie d’un autre œil. Les obus éclatent, le ciel est traversé de fumées et de projectiles. Il n’y a plus qu’à survivre dans ce monde féroce, absurde et sans fin…
Avec une occupation aussi verticale qu’horizontale de la scène, la composition humaine, plastique et sonore qu’offre la Mezzanine est saisissante. Les surréalistes disaient : « La beauté sera convulsive ou pas ». On parlerait plutôt, ici, d’une beauté négative. C’est la juste réponse de l’art à cette boucherie de 1914.

La tragédie est le meilleur morceau de la bête, conception et mise en scène de Denis Chabroullet, scénographie de Michel Lagarde et Denis Chabroullet, lumière de Jérôme Buet, costumes de Julie Thiollet, musique de Roselyne Bonnet des Tuves, avec Benjamin Clée, Laurent Marconnet, Erwan Picquet, Sylvestre Vergez, Julien Verrié, Clémence Schreiber, Cécile Maquet, Thierry Grasset, Pauline Lefeuvre.

Théâtre des Célestins, salle Célestine, Lyon, tél. : 04 72 77 40 00, du 25 février au 7 mars. (Durée : 1 heure et demie).

Photo DR.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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