La culture au centre de l’intercommunalité de projet

Emmanuel Duru, responsable des affaires juridiques de l’Assemblée des Communautés de France

La culture au centre de l'intercommunalité de projet

Vous êtes responsable des affaires juridiques de l’Assemblée des Communautés de France et chargé des questions culturelles. Quelle est la place de la culture et du spectacle vivant dans le développement de l’intercommunalité ?

L’intercommunalité a plus de cent ans d’existence et n’a cessé d’évoluer ces dernières années. Pendant longtemps nous sommes restés dans une intercommunalité dite de gestion. Plusieurs communes se regroupaient pour régler ensemble des problèmes de gestion courante comme, par exemple, le traitement de l’eau. Leurs compétences étaient très spécifiques.

Depuis les lois de décentralisation de 1992 et surtout de 1999 avec la Loi Chevènement beaucoup de choses ont changé.

Nous sommes passés d’une intercommunalité de gestion à une intercommunalité de nouvelle génération. Désormais, il existe des communautés de communes, des communautés d’agglomérations et des communautés urbaines.

A une intercommunalité de gestion s’est donc substituée une intercommunalité de projet.

C’est d’ailleurs avec cette dimension de projet que la culture prend toute son importance. La culture se place au centre de l’intercommunalité de projet.

La question symbolique et centrale est de savoir comment faire d’un territoire un territoire de culture ? Cette question est fondamentale.

Si aujourd’hui certaines scènes nationales sont gérées par des communautés ce n’est pas un hasard. Les communautés savent bien qu’une scène nationale dépasse les limites d’une seule commune et que son rayonnement agit sur l’ensemble d’un territoire.

De plus, si la culture a pris autant d’importance c’est qu’elle est aussi souvent liée au tourisme. Le tourisme dont les compétences sont souvent attribuées aux communautés.

Dans les années 90, un nouvel espace a vu le jour : c’est le Pays. Le Pays est un espace d’échanges. Il permet de coordonner des actions globales de type aménagement du territoire, culture, tourisme, sur des territoires beaucoup plus vastes, c’est-à-dire entre plusieurs communautés.

Aujourd’hui ce que nous remarquons c’est que la culture apparaît de manière très fréquente dans les statuts des communautés. Si un grand nombre de communautés interviennent effectivement dans le champ culturel, elles ne le font cependant pas toutes sur la même échelle. Certaines bâtissent de vraies politiques culturelles, tandis que d’autres n’ont que des pouvoirs restreints, par exemple limités à la gestion d’équipements culturels.

Dans le cadre de ces lois de décentralisation, comment s’effectuent les transferts de compétences ?

Le transfert de compétences entraîne pour les communes leur dessaisissement au profit de la communauté. D’une façon générale et sur le fond, lorsque des compétences sont accordées à la communauté, la commune ne peut plus intervenir.

Mais ce système a ses limites, et l’un des meilleurs exemples en est la compétence culturelle.

Ainsi la commune et les élus ne peuvent pas envisager de se dessaisir totalement de toute compétence culturelle. Les élus ont conscience de l’importance de l’offre culturelle vis-à-vis de leurs administrés.

Dans la réalité la communauté vient soutenir la commune. Elle fait ce que la commune n’aurait pas pu faire toute seule.

Dans ce sens l’intercommunalité a t’elle fait prendre conscience aux élus de l’importance de la culture ?

Nous en sommes persuadés. Attention cela ne signifie pas qu’avant les élus délaissaient la culture. Mais il est certain que le système de l’intercommunalité les a conduit à mener de nouvelles réflexions.

Sans oublier que le regroupement de plusieurs communes conduit à adopter de nouvelles méthodes de travail.

L’intercommunalité ne risque t-elle pas de conduire à une normalisation de la culture ?

Le transfert de compétences n’amoindrit en rien l’offre de services culturels, bien au contraire. Ce transfert l’enrichit, il y a un accroissement des propositions émanant de la communauté.

Au sein d’une compétence comme la culture, les responsables tracent une ligne de partage entre les attributions qui relèvent de la communauté et celles qui demeurent aux communes.

Pour effectuer ce partage des compétences, les responsables se basent sur la notion d’intérêt communautaire. Il appartient aux élus de décider, en fonction de leur projet de territoire, ce qui, pour eux, relèvent de l’intérêt communautaire. Tout ce qui est considéré comme relevant d’un intérêt communautaire appartient à la communauté, le reste revient à la commune.

Nous entendons de plus en plus dire que les communautés disposent de « la » compétence culturelle, au sens large. Mais il est simpliste de penser que sur un territoire donné, il n’y ait qu’un seul opérateur.

En réalité, il n’existe pas « une » compétence culturelle, mais une répartition multiple de cette compétence. Si nous nous rapportons aux textes, nous voyons que la définition reste très large. En effet, si la gestion des équipements est clairement définie, pour le reste les intervenants doivent s’adapter. La communauté aura à sa charge la politique culturelle publique qui accompagne cet équipement, mais la commune, elle aussi, pourra intervenir.

N’y a-t-il pas au niveau des communautés une dérive, une confusion, entre la culture et le tourisme ?

Très sincèrement je ne le pense pas. Les choses sont relativement claires, bien que susceptibles d’aménagement selon les territoires concernés.

Les problématiques ne sont pas les mêmes pour des communautés de communes qui comptent 5000 habitants et des communautés d’agglomérations qui peuvent en compter 500.000. Il est plus aisé pour les secondes de mettre en place des politiques culturelles totalement dissociées des politiques touristiques.

Il est certain qu’une communauté de communes de petite importance envisagera la culture aussi en terme touristique. Mais nous ne pensons pas que cela amène à une dérive. Le tourisme et la culture sont deux secteurs proches, souvent liés. Si une politique d’animation culturelle peut rendre le territoire attractif, c’est une bonne chose.

Vous participez à une étude sur ces sujets, pouvez-vous nous en parler ?

Nous participons au groupe de pilotage d’une étude consacrée à l’intercommunalité culturelle, notamment sur cet aspect de prise de compétences. Cette étude est pilotée par l’Observatoire des politiques culturelles sous l’égide du Ministère de la Culture.

Nous voyons que la culture est l’un des rares domaines dans lequel toutes les collectivités sont compétentes à un moment ou à un autre. Pour la culture, l’État intervient par l’intermédiaire des DRAC, la région et le département participent également, sans oublier les communautés et les communes. C’est d’ailleurs dans le sens d’une coordination toujours plus grande entre collectivités qu’il convient désormais de travailler.

www.intercommunalites.com

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Gilles Dumont
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