La chanson de Tiphaine Raffier

La première pièce d’une surdouée de la scène

La chanson de Tiphaine Raffier

Le Val Europe est plus qu’une ville nouvelle, toute la région de Marne la Vallée a subit une restructuration pour accueillir la ville de Walt Disney. Tout a été fait autour de ce nouveau pôle d’emploi et de culture ( ?). Pour les visiteurs, cet empire de carton pâte, de dessins animés grandeur nature, n’est qu’un décor, ils ne se doutent pas que des gens vivent à l’ombre du château de la Belle au Bois Dormant.

Elles sont trois amies d’enfance. Le trio se retrouve tous les jeudis soir pour répéter des chansons d’Abba, les chorégraphies sont dirigées avec un sérieux consommé par Barbara (Noémie Gantier), suivies avec application maladroite par Jessica (Tiphaine Raffier) et par amitié par Pauline (Victoria Quesnel). Avec passion, Pauline nous parle de sa ville, qui opère une réelle fascination sur elle. Seule dans la vie depuis la mort de sa mère, elle n’a pas besoin de travailler. Le rendez-vous du jeudi est un repère, un but. Un jour, elle décide de faire quelque chose, elle a enfin trouvé un but dans sa vie : écrire des chansons. Mais attention pas n’importe quelle chanson, pas question de décrire des bluettes amoureuses, ses thèmes sont pour le moins étonnants. Leur originalité déroute. Ses chansons dérangent le train-train du jeudi soir.

Egoïsme, amitié, jeu de pouvoir, et fibre créatrice ne font pas bon ménage. Les rapports de force entre les trois amies sont bouleversés, si il y a toujours la soumise d’office, la décideuse, la créatrice n’est plus la même. Intolérable.

Il y a quelque chose de follement exaltant pour des spectateurs d’avoir le sentiment d’assister à l’éclosion d’un talent novateur d’écriture et de voir trois comédiennes exceptionnelles. C’est ce sentiment que les heureux spectateurs de La Chanson auront. Tiphaine Raffier a choisit une ville comme personnage principal. Elle l’a peuplé avec des personnages, leur donnant une existence, un passé et même un futur.
Tiphaine Raffier a placé toute sa mise en scène dans une salle de danse, mais rarement on a senti avec une telle acuité, le désespoir de ces villes factices, où des politiques de tout poil ont mis des êtres humains comme on met des figurines dans une maquette. Cette fable cruelle et naïve, drôle et tragique est une réflexion sur notre société du paraître. La musique est partout dans les ascenseurs, dans les centres commerciaux, dans les centres de loisirs. Quel rôle a la musique dans notre société ? Un bruit lénifiant pour nous faire oublier les cris du cœur. Une chanson, un mot qui semble presque désuet. Mais une chanson c’est trois minutes pour raconter un bout de vie, tout un univers, ne dit-on pas qu’en France tout fini par une Chanson. Celle que nous fredonne Tiphaine Raffier est celle du talent.

Retenez bien ces trois noms : Victoria Quesnel, Noémie Gantier et Tiphaine Raffier. Elles sont de grandes comédiennes. Victoria Quesnel est Pauline, notre Cicéron dans Val Europe, charmante, candide, perdue. Il y a chez cette belle comédienne, la même ferveur, la même disponibilité à tous les registres de jeu que nous aimons tant chez Juliette Binoche. Noémie Gantier est la « Abba Maniaque », la belle Barbara, ses silences éloquents et son coté super-jeune-femme- qui-sait-gérer tout, est en nuance, elle sait aller jusqu’au point de rupture. Tiphaine Raffier s’est réservé le rôle de Jessica, le souffre douleur né. Beaucoup de pudeur et d’émotion. Si le spectacle fait rire, les répétitions des danseuses, avec les paroles des chansons en impression sur le mur du fond comme pour un Karaoké géant, sont irrésistibles. Surtout les maladresses de Jessica nous font franchement rire. Nous en aurons du remords car Jessica est une victime. Le basculement de la pièce entre l’histoire de ces trois amies et de leur environnement est dosé savamment. Quelle maîtrise dans l’écriture. Le spectacle, sans retouche, mérite la plus grande diffusion. La pièce est remarquable par la densité de son écriture entre légèreté et réflexion sociétale.
Tiphaine Raffier fut la révélation du premier festival Prémices et lors de la troisième édition au mois de mai 2014, elle confirma tout le bien que l’on pense d’elle.

La Chanson . Ecrit et mise en scène par Tiphaine Raffier, avec Noémie Gantier, Victoria Quesnel, Tiphaine Raffier.
Théâtre du Nord Lille du 3 au 28 juin 2014

www.theatredunord.fr tél : 03 20 14 24 24

A propos de l'auteur
Marie-Laure Atinault
Marie-Laure Atinault

Le début de sa vie fut compliqué ! Son vrai nom est Cosette, et son enfance ne fut pas facile ! Les Thénardier ne lui firent grâce de rien, théâtre, cinéma, musée, château. Un dur apprentissage. Une fois libérée à la majorité, elle se consacra aux...

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