"La Main de Leïla" d’Aïda Asgharzadeh et Kamel Isker

L’amour contre le pouvoir

"La Main de Leïla" d'Aïda Asgharzadeh et Kamel Isker

Algérie, 1987. Près d’Alger, on ne badine pas avec l’amour, on ne pratique pas facilement les baisers à l’occidentale. Pourtant, le jeune Samir aime les baisers de cinéma. Il en rêve, il les reconstitue dans ce qu’il appelle le Haram Cinéma. Imaginaires, les baisers deviennent réels quand Leïla entre dans la vie de Samir. La belle Leïla ne peut venir que cachée et clandestine. Son père est l’un des officiers qui imposent un régime dictatorial à l’Algérie et ont transformé le FLN en un parti qui a confisqué la démocratie. C’est si bon de rejouer les baisers d’Humfrey Bogart à Lauren Bacall dans Casablanca. Un jour, le peuple se révolte : les révoltes d’octobre 1988 se profilent…
Aïda Asgharzadeh et Kamel Isker ont sans doute voulu trop en dire, trop en jouer. L’action est folle, multiple, agitée sur un plateau plein d’objets et de cordes à linge, devant un rideau protégeant les comédiens qui changent souvent de tenue ou d’aspect. C’est un peu brouillon mais d’une belle vitalité, d’une fièvre contagieuse, comme une fête d’humanité et de générosité. Régis Vallée a réglé le spectacle comme un tourbillon d’événements. Tout se déroule à la bonne vitesse. Les commentaires enregistrés alourdissent, cependant, le flot d’informations qui nous parviennent. Peu importe. Aïda Asgharzadeh, actrice et co-auteur de la pièce, est d’une présence très sensible et d’un jeu très nuancé. Kamel Isker, acteur et co-auteur, est un comédien désormais connu (depuis ses interprétation de Rodrigue et de Scapin pour Jean-Philipe Daguerre jusqu’au Marco Polo qu’il incarne au La Bruyère, en courant à ce théâtre tous les soirs après avoir sa propre pièce) : il est d’une grande mobilité et d’une grande flamme. Azize Kabouche, plus que ses partenaires, change de rôle, alternant figures épisodiques et personnages récurrents : son don des métamorphoses est étonnant mais peut-être prend-il un plaisir trop visible, trop blagueur à ces transformations ; il n’en est pas moins émouvant dans les partitions empreintes de gravité. Cette fable de l’amour contre le pouvoir a la force et le charme d’une grande chanson populaire.

« La Main de Leila » d’Aïda Asgharzadeh et Kamel Isker, mise en scène de Régis Vallée, scénographie de Philippe Jasko, lumières d’Aleth Depeyre, costumes de Marion Rebmann, musique de Manuel Peskine, avec Aïda Asgharzadeh, Kamel Isker et Azize Kabouche.

Les Béliers parisiens, 19 h, tél. : 01 42 62 35 00. (Durée : 1 h 20).

Photo Alejandro Guerrer : Aïda Asgharzadeh, Kamel Isker.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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