Opéra National de Paris jusqu’au 16 juin 2013

LE CREPUSCULE DES DIEUX de Richard Wagner

Triomphe musical pour la suite et la fin d’un Ring allemand qui n’en finit pas de régler ses comptes avec son passé

LE CREPUSCULE DES DIEUX de Richard Wagner

Anniversaire oblige : ce 22 mai 2013 Richard Wagner aurait soufflé 200 bougies et les maisons d’opéras comme les salles de concert affichent en nombre créations et reprises des œuvres du maître de Bayreuth. L’Opéra de Paris ne déroge pas à la règle ambiante et présentera l’intégralité de la Tétralogie de l’Anneau du Nibelung au cours d’un Festival Wagner du 18 au 26 juin prochain (*)

L’ensemble, le prologue et les trois journées, si rarement représentées au cours d’une même semaine, est né d’une production répartie en quatre étapes durant les saisons 2010, 2011 et 2012. On en a loué les performances musicales et regretté les partis pris de mise en scène signés Günter Krämer (voir WT 2226, 2352, 2711, 2829) Il avait promis de « réviser sa copie ». Il n’en a pas changé le fond mais, ici et là, en a allégé les formes et gommé quelques superflus.

On retrouve donc ce Crépuscule avec ses qualités – le décor nu, son panneau en échafaudage tournant sur fond de brumes et d’ombres solaires, les éclairages raffinés, les effets de lumières et de vidéos sur les scènes aquatiques du Rhin ou sur la montée des flammes des incendies, surtout la marche funèbre de Siegfried où son manteau grimpe en songe les marches de l’échelle céleste qui l’emmènera au Walhalla – . Et aussi ses défauts : les guirlandes, serpentins et oriflammes chers aux Faschings, les carnavals de Munich ou de Cologne, les danseurs travestis en robes écarlates qui s’ébrouent sans raison et la foule – chœur, danseurs et figurants -chaloupant en agitant des petits drapeaux blancs sertis de noir, tout droit sortis d’un mauvais pastiche du style Troisième Reich. Hagen est toujours un handicapé en chaise roulante – on l’aperçoit enfant dans le même appareillage dès l’ouverture –, et, petite trouvaille « cadeau » de dernière heure, en conclusion de la tragédie, Krämer offre un ultime jeu vidéo où une main armée d’un pistolet tire sur les personnages restés vivants… Pan pan et oups, exit le Walhalla !

Les images défilent tantôt en synergie tantôt en greffons oiseux

On pourrait dire qu’on a fini par s’y habituer. Les images défilent, tantôt en synergie avec l’action, tantôt en greffons oiseux, mais l’oreille est à la fête de bout en bout. Philippe Jordan, directeur musical maison, jeune chef qui, en quelques courtes années, a pris de la maturité, a gardé ici et là les respirations lentes qui lui sont chères et qui habillent Wagner d’une aura d’irréalité. Ailleurs il a accéléré certains tempi, souligné les contrastes et les polyphonies. L’ensemble gagne en densité. L’orchestre fait confiance à son chef, les cordes, les cuivres, les bois, tubas, harpes ou trompette font à l’unisson vibrer cette musique dont certaines pages ensorcellent comme sous un effet d’hypnose.

Hans-Peter König est resté un Hagen idéal. Timbre abyssal, maîtrise du son musical autant que du verbe, jeu compact. Sophie Koch est toujours Waltraute, un rôle presque à contre emploi mais qu’elle défend avec justesse, tragique tout en évitant de tomber dans l’hystérie guerrière souvent collée à cette Walkyrie retrouvant la sœur bannie bien aimée : Petra Lang incarne Brünnhilde sur bien des scènes, elle est sans doute l’une des seules à pouvoir le faire aujourd’hui, malgré des aigus parfois acides et un petit manque de rondeur, de la chaleur moelleuse qui devrait caractériser la femme amoureuse et trahie. Torsten Kerl reste un Siegfried inabouti, le timbre a de belles couleurs mais elles sont pâles, son manque de puissance vocale est de plus en flagrant. A côté de lui l’excellent baryton Evgeny Nikitin devient éclatant en Günter manipulateur. Peter Sidhom confère à Alberich l’âpreté du mauvais esprit, Edith Haller en Gutrune sanglée dans un tailleur de petite bourgeoise n’évite pas le ridicule malgré une jolie voix.

Le Crépuscule des dieux, troisième journée de la tétralogie de L’Anneau du Nibelung, musique et livret de Richard Wagner. Orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Philippe Jordan, chef des chœurs Patrick-Marie Aubert, mise en scène Günter Krämer, décors Jürgen Bäckmann, costumes Falk Bauer, lumières Diego Leetz, chorégraphie Otto Pichler, vidéos Stefan Bischoff. Avec Torsten Kerl, Petra Lang (et Brigitte Pinter, les 25 mai, 12 juin et Linda Watson, le 16 juin), Hans-Peter König, Evgeny Nikitin, Peter Sidhom, Edith Haller, Sophie Koch, Wiebke Lehmkuhl, Caroline Stein, Louise Callinan .

Opéra Bastille les 21, 25, 30 mai, 3, 7, 12 juin à 18h, le 16 juin à 14h.

*18 juin à 19h30 : L’Or du Rhin - 19 juin à 18h : La Walkyrie - 23 juin à 14h : Siegfried - 26 juin à 18h : Le Crépuscule des dieux

08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 – www.operadeparis.fr

Photos Elisa Haberer

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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