Critique – Opéra & Classique

LA BELLE HÉLÈNE de Jacques Offenbach

Offenbach en 2D, dupliqué ...mais trahi

LA BELLE HÉLÈNE de Jacques Offenbach

« Bis repetita placent : l’aphorisme ne dit pas toujours vrai. Giorgio Corsetti-Patrick Sorin, duettistes en mise en scène, scénographie et vidéo avaient obtenu un joli succès avec leurs trucages opérés sur La Pietra del Paragone de Rossini au Châtelet en 2007 (WT 1061 & 3968). Sur cette œuvre de jeunesse méconnue, pratiquement jamais montrée sur scène, leurs mécaniques à double effet cinéma-théâtre joué et filmé en direct avaient surpris et amusé. Une technologie illusionniste. Un système. Qui ne se laisse pas conjuguer à tous les temps.

Ainsi cette Belle Hélène d’Offenbach (1819-1880) qui vient clore la saison du même Châtelet en fait les frais. Transformer ce bijou de fantaisie musicale en terrain d’expérimentation, c’est mettre au placard la saveur espiègle qui en fait l’essence. Lui substituer un péplum kitsch bissé en deux dimensions est trahison. Les images projetées sur trois grands écrans suspendus écrasent les interprètes, chœurs et solistes, qui, au sol, font figures de marionnettes. L’œil, malgré lui, est vissé sur les gros plans.

Fond de scène bleu électrique, bleu Schtroumpf, bleu du vide (les mini-caméras ne les captent pas) où les maquettes de décors à cour et à jardin sont posées et manipulées par des techniciens régisseurs gainés de bleu. Défilés de décors sur écrans, colonnes à l’antique, fleurs, paysages, avion, bateau sur lesquels viennent s’incruster les personnages filmés contraints au sol de mimer des poses sur des repères précis. Ils en perdent leur mystère.

Les gags se suivent, certains sont très drôles (les robes valsant sans corps, Leda et les câlins de son Cygne, le concours des prétendants transformé en jeu télévisé style « Questions pour un champion") d’autres sont d’un goût plus douteux.

Gaëlle Arquez, mezzo formée au baroque, enfile pourtant avec chic le rôle d’Hélène, la plus belle femme du monde, épouse de Ménélas, maîtresse de Pâris et source première de la guerre de Troyes. Elle a du chien, une diction perlée, une voix qui connaît l’art de la légèreté. Face à elle, Pâris par le ténor mexicain Jesus Leon (en alternance avec le turc Merto Sungu) fait grise mine, français approximatif, timbre pâlichon. Voix fermes pour Ménélas dont Gilles Ragon fait un cocu ahuri et pour Agamemnon que Marc Barrard compose en noblion stylé. Kangmin Justin Kim, contre-ténor américano-coréen fait d’Oreste une fofolle piqué par une guêpe, le danseur-mime-acrobate Julien Lambert sautille comme un moineau d’un personnage à l’autre. Mention spéciale pour le Calchas truculent de Jean-Philippe Lafont. Son timbre de baryton- basse a certes perdu de son ampleur et de ses couleurs, mais il compense en jeu clownesque. Il en fait des tonnes mais il est si présent, si vivant… qu’on lui en est reconnaissant.

Le jeune chef Lorenzo Viotti à la tête de l’Orchestre Prométhée enlève Offenbach à une cadence qu’on souhaiterait par moments plus vive, mais qui reste d’un bout à l’autre fidèle, élégante. A l’inverse de ce se passe sur scène.

Ceux qui ont eu la chance d’assister autrefois à la Belle Hélène transfigurée par les talents conjugués de Marc Minkowski et de Laurent Pelly, avec l’irrésistible Felicity Lott en séductrice de légende, dans ce même théâtre du Châtelet en sortent frustrés. D’autres y trouvent un plaisir naïf.

La Belle Hélène de Jacques Offenbach, livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halèvy, orchestre Prométhée, direction Lorenzo Viotti, chœur du Châtelet, chef de chœur Alexandre Piquion, mise en scène, scénographie, vidéo : Giorgio Barberio Corsetti et Pierrick Sorin, costumes Christian Taraborelli, chorégraphie Raphaëlle Boitel, lumières Gianluca Cappelletti. Avec Gaëlle Arquez, Jesus Leon (en alternance avec Merto Sungu) Gilles Ragon, Marc Barrard, Jean-Philippe Lafont, Kangmin Justin Kim, Mark van Arsdale, Franck Lopez, Jennifer Michel, Je Ni Kim, Rachel Redmond, Olivier Podesta, Renaud de Rugy, Julien Lambert.

Théâtre du Châtelet du 2 au 22 juin à 20h, dimanches à 15 ou 16h.

01 40 28 28 40 – www.chatelet-theatre.com

Photos : Marie Noëlle Robert

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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