Critique – Théâtre

L’Histoire du Tigre de Dario Fo

La marche magique d’un clown solitaire

L'Histoire du Tigre de Dario Fo

Au tout dernier étage du Théâtre du Lucernaire, son paradis, on ne s’embarrasse d’aucun tralala. Pour tout décor un rideau noir s’entrouvrant parcimonieusement par-ci par-là sur … du noir. L’éclairage est plein feux et reste tel quel d’un bout à l’autre du spectacle.

Un spectacle pour un homme seul, habillé de noir, qui, une heure durant par la seule magie de sa parole et de son jeu nous fait voyager au bout du monde, dans une Chine embarquée dans sa grande marche révolutionnaire, revue, réinventée plutôt par la verve, l’humour et la poésie de Dario Fo.

Le comédien s’appelle Jean-Marie Escourrou, un gaillard aux yeux d’eau claire, aux cheveux blonds voltigeurs. Il a fait ses classes avec des grands de la scène comme Georges Wilson, a créé sa propre compagnie, écrit, joue ses textes et adaptations. Tout seul.

Comme ici, s’adressant au public comme à de vieux amis, pour lui raconter comment l’homme de théâtre italien, écrivain, Prix Nobel de littérature a eu l’idée de s’approprier un conte, qu’au temps glorieux de Mao Tse Toung, seuls les clowns-bateleurs-magiciens transmettaient en catimini, tapis à l’ombre des grands défilés de gloire nationale.

Puis Escourrou devient le pivot, le héros (malgré lui ) de l’incroyable aventure vécue par un brave trouffion entraîné dans cette grande marche tout au long de laquelle les fidèles de Tchang Kai Chek mitraille à tout va sur tout ce qui passe.
Il est blessé, se réfugie dans une grotte où règne une tigresse aux dents longues comme des défenses d’éléphant et aux griffes gargantuesques. Et son bébé « tigrou » si désobéissant…

Entre eux va se nouer une histoire folle, surréaliste, de tendresse, de confiance où à chaque étape l’ironie de Dario Fo pointe son nez d’amuseur chercheur de justice et de vérité.

Escourrou parle, rugit, brame, mugit, chuchote en confidence, glapit ses fâcheries, lisse ses contentements. Il nous fait voyager à bout de souffle sur les versants de l’Himalaya, fait miroiter dans nos yeux les eaux des fleuves, baisse nos paupières sur les ombres, le noir de la caverne. On voir tout comme au cinéma, un cinéma intérieur, comme si on y était pour de vrai.

Une heure durant Escourrou sur toutes les gammes de sa voix fait revivre un théâtre qu’on avait oublié. Sans effets, sans vidéos. Le théâtre d’un texte et d’un acteur. On pense à Jean Vilar.

Théâtre du Lucernaire – du mardi au samedi à 19h. Durée : 1h. Jusqu’au 10 octobre – 01 42 22 66 87 – www.lucernaire.fr

Photos Lot

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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