Du 30 juin au 16 juillet à La Carrière Boulbon Festival d’Avignon IN

Hécube, pas Hécube de Tiago Rodrigues avec les interprètes de la Comédie-Française.

Pour la défense des valeurs démocratiques et celle des personnes les plus vulnérables.

Hécube, pas Hécube de Tiago Rodrigues avec les interprètes de la Comédie-Française.

Au centre de la tragédie d’Euripide, la figure mythologique d’Hécube reste méconnue. Reine de Troie devenue esclave après la chute de la ville, Hécube voit ses enfants partagés entre les vainqueurs de la guerre. Lorsque son dernier fils, cédé au roi de Thrace, est assassiné - corps sans sépulture -, elle organise sa vengeance et plaide sa cause devant Agamemnon...
« Je suis prête. Des mois, des années. Peu m’importe. Je suis prête à aboyer, aboyer, aboyer. Aboyer pour le reste de ma vie s’il le faut. J’aboierai jusqu’à ce que… Comment le dire ? Je sais que ça n’aboutira peut-être à rien, mais c’est quoi l’alternative ? »

Sur la terre de roche poussiéreuse de la Carrière Boulbon, trône dans la nuit profonde une structure élevée couverte d’un voile dont la signification intrigue. Découverte par les interprètes, apparaît la sculpture hissée dans les hauteurs d’une chienne-oeuvre d’art, l’image d’une féminité résistante et combattante capable de rage, sous des lumières ludiques entre jaune et violet, fluorescences et ondes lumineuses mystérieuses.. Dans la mythologie, la déesse Héra transforme Hécube en chienne pour avoir résisté à Agamemnon, définitivement animée d’une colère inextinguible.

Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, auteur de Hécube, pas Hécube, conjugue la tragédie antique avec l’histoire de Nadia des années 2020 - parallèle entre le deuil d’Hécube et son exigence de justice, et l’histoire de Nadia, comédienne s’organisant entre répétitions et parquet du tribunal - théâtre dans le théâtre pour que vérité soit faite.

L’actrice répète la pièce d’Euripide, tout en se battant pour que justice soit rendue à son fils Otis, autiste - et nul jeu de mots, car la Mère est sous le charme du Rythm and Blues de la fin des années 1960, ce qu’on appelle aujourd’hui la Soul Music, genre privilégié du grand Otis Redding (1941-1967), disparu tragiquement dans un accident d’avion avec son orchestre. Plaisir de la mémoire re-surgie, le public goûte les sonorités d’une oeuvre musicale fulgurante, arrêtée net : Try a Little Tenderness, I’ve Been Living You Too Long,..

Des temps salvateurs et mélancoliques qui accordent des pauses à l’inquiétude sourde - angoisse de la double situation donnée - celle d’Hécube, mère maltraitée de l’Antiquité dont le dernier fils est assassiné et Nadia aujourd’hui, confrontée à la maltraitance subie par son fils différent dont Elsa Lepoivre mime l’apprentissage amusé et émouvant de la parole : « Câlin, pas câlin, Chocolat …Oui chocolat, dormir pas dormir, manger pas manger…. », d’où l’espièglerie du titre de Tiago Rodrigues, Hécube, pas Hécube.

Elsa Lepoivre incarne Nadia qui incarne Hécube, la femme blessée - allure majestueuse et naturelle, présence intense et voix profonde -, exprimant la douleur qui l’accapare, puis se retirant pour observer ses partenaires : à la fois, le chœur antique et le choeur d’aujourd’hui, commentant les faits et les attitudes de la comédienne interprète.
Les mêmes acteurs, vêtus de noir et de matières souples et dansantes, endossent un autre rôle ou plusieurs : humour et gravité de Denis Podalydès en procureur, effervescence et fluidité de Loïc Corbery en criminel ou en Secrétaire d’Etat, dignité tranquille et efficace d’Éric Génovèse en éducateur de jeunes enfants ; de même, le tenace Gaël Kamilindi et Élissa Alloula, Séphora Pondi, révélant un talent scénique et théâtral pleinement solaire, tous porteurs attentifs de cette singularité attachante, du personnage à la personne.

Pari réussi : théâtre ludique et devoir d’humanité, hospitalité et assistance à personne vulnérable, défense collective de valeurs démocratiques et d’accompagnement des plus vulnérables. A bon entendeur…

Hécube, pas Hécube d’après Euripide, texte et mise en scène Tiago Rodrigues, traduction Thomas Resendes (éditions Les Solitaires Intempestifs), scénographie Fernando Ribeiro, costumes José Tenente, lumière Rui Monteiro, musique et son Pedro Costa, collaboration artistique Sophie Bricaire. Avec les interprètes de la Comédie-Française, Éric Génovèse, Denis Podalydès, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Gaël Kamilindi, Élissa Alloula, Séphora Pondi. Les 30 juin, 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 15, 16 juillet à 22h, à la Carrière de Boulbon, Festival Avignon IN 2024. Puis, tournée européenne en Grèce, République Tchèque, Slovaquie, Serbie, Slovénie, Turquie, Espagne, Portugal, Luxembourg, Belgique. Du 15 au 23 novembre 2024, ThéâtredelaCité cdn Toulouse-Occitanie. Du 28 novembre au 1er décembre 2024, Comédie de Genève, Suisse. Les 29 et 30 janvier 2025, La Coursive, Scène Nationale de La Rochelle. Du 28 mai au 25 juillet 2025, Salle Richelieu, Comédie-Française (Paris).
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage.

A propos de l'auteur
Véronique Hotte

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook