Glissades de Jean-Claude Bonnifait
Noir désir, noir délire
C’est d’abord la découverte d’un auteur : quelqu’un que pas mal d’entre nous connaissons comme acteur, Jean-Claude Bonnifait. Le voilà seul en scène, au service de son propre texte, Glissades. Blafard, hagard, égaré, il apparaît dans un univers noir où ont poussé d’étranges sculptures colorées. Il glisse, mais ne tombe pas. Cela s’appelle Glissades, non ? Ses mots dérapent eux aussi. Apparemment, c’est le monologue d’un acteur qui se confie. L’homme solitaire nous parle de son métier en effet, emprunte quelques phrases à de grands textes, mais c’est autre chose en même temps. Une avance dans la nuit humaine, dans la relation qui relie les vivants et les morts. « Je me demande si je disparais dans mon ombre, dit-il… On a tous les traits d’un défunt inscrustés dans notre vivant. Où passe la fissure ? Je me demande si on voit un tas d’ombre quand on me regarde. Je me demande si mon ombre peut tuer. » Nir désir, noir délire !
La lumière de la littérature et du théâtre vient souvent de la nuit de tout ce qui est caché en l’homme et que le poète va chercher contre la société et parfois contre les savants. C’est ce que fait Bonnifait, tel un disciple indiscipliné d’Hugo et de Lautréamont. Son jeu est tranchant et anxieux, terrible et touchant. Dans sa mise en scène, Stéphane Valensi met en route une admirable ambiguïté et l’on sort de cette heure dans une hallucination émerveillée.
Glissades, de et avec Jean-Claude Bonnifait, scénographie de Graziella Delerm, lumière de Pierre Gaillardot, son de Denis Gambiez.
La Loge, 21 h, tél . 01 40 09 70 40, jusqu’au 9 février.
Photo DR.