Fureur de Victor Haïm
Un chef face à son orchestre
L’idée de la pièce est très drôle, et son traitement par l’auteur sans trop de nuances mais dans un pas de charge toujours réjouissant : un chef d’orchestre fait face à ses musiciens qui, tous, le détestent. Ils ont même demandé son départ et l’ont obtenu ! Alors, tandis qu’il dirige une dernière fois la « Pastorale » de Beethoven, il crache ce qu’il a sur le cœur, il éructe. Il prend à parti les instrumentistes qu’il a devant lui, donc le public – qui joue le rôle de ses ennemis. Pour lui, tous les membres de l’orchestre ne savent pas jouer, n’ont pas le goût de la perfection qui est nécessaire. Et les noms d’oiseau volent, les formules crues qui se mêlent parfois de la sexualité des uns et des autres…
Victor Haïm avait lui-même créé ce texte au Petit-Hébertot : c’était alors l’autoportrait d’un homme qui se moquait de ses propres colères (Haïm place haut ses exigences et il est dans la vie civile un mélomane sans concession !) Avec la vision donnée par Stéphanie Wurtz et la compagnie Ornithorynque, cela devient une vraie pièce. Perruqué, en jaquette, maquillé, Benjamin Bollen n’est plus le double d’Haïm mais un véritable irascible dont les colères sont un moteur à explosion. Une fois partie, la rage ne peut plus s’arrêter, elle s’amplifie, elle vire à la folie. Et la bombe fait en même temps sauter les pudeurs et prudences du monde culturel. Benjamin Bollen fait preuve d’une magnifique santé d’acteur à l’intérieur d’une mise en scène qui, avec intelligence et malice, concentre toute l’action sur les dimensions d’une scène mouchoir de poche et sur la relation la plus étroite avec les spectateurs.
Fureur de Victor Haïm, mise en scène de Stéphanie Wurtz, costume d’Aline Gobert, lumière d’Edouard Mutz, postiche de M11 Perruques, avec Benjamin Bollen.
Essaïon, tél. : 01 42 78 46 42, le lundi à 19 h 30, jusqu’au 17 mars.