Faust, la caisse, Marigny

Deux brefs opéras-comiques achèvent la saison du Palazzetto Bru-Zane au Studio Marigny.

Faust, la caisse, Marigny

LE PALAZZETTO BRU-ZANE, ON LE SAIT, est le siège, à Venise, du Centre de musique romantique française qui, sur le modèle du Centre de musique baroque de Versailles, a pour mission de mettre à l’honneur la musique française du grand dix-neuvième siècle (qui va, grosso modo, de la Révolution jusqu’à la guerre de 1914) en exhumant des compositeurs, en publiant des partitions, en donnant à entendre des ouvrages oubliés. Le mot romantique (mot polysémique s’il en est) est à prendre ici au sens historique et non pas esthétique.

C’est ainsi que le Palazzetto a fixé, de janvier à juin 2019, quatre rendez-vous avec l’opérette au Studio Marigny, la petite salle du Théâtre Marigny récemment restauré, théâtre situé non loin du rond-point des Champs-Élysées, théâtre aussi où Offenbach, en son temps, eut ses quartiers. Le dernier de ces rendez-vous permettait d’entendre Sauvons la caisse de Charles Lecocq et Faust et Marguerite de Frédéric Barbier*, deux opérettes en un acte, créées pour la première en 1871 à la Tertula-Parisienne, pour la seconde en 1869 au Concert des ambassadeurs.

Les deux œuvrettes réunies durent une heure et quelques minutes. Qu’on ne s’attende donc pas à des partitions flamboyantes, développées, ambitieuses. Elles sont ici représentées avec deux chanteurs-comédiens et un accordéoniste, la fin de Sauvons la caisse s’enchaînant habilement avec Faust et Marguerite à la faveur d’un décor unique et sommaire (mais efficace) et d’une situation dramatique (ou comique) permettant de glisser d’un ouvrage à l’autre. « Sauvons la caisse », c’est non pas « sauvons la recette de la soirée », mais sauvons la grosse caisse, ou plutôt dérobons la grosse caisse qui rythme les ébats de la Fille de l’air, l’écuyère dont Cruchinet est amoureux. Flannan Obé, qui est à la fois ténor, mime, acrobate, comédien, joue ici avec beaucoup de drôlerie les naïfs amoureux face à Lara Neumann, un peu moins légère, un peu moins délurée. Les calembours (mauvais, donc excellents), l’histoire et la musique de Lecocq ne vont pas très loin, mais il y a de la bonne humeur.

Bretelle cruelle

Il y en a autant dans Faust et Marguerite, qui met en scène deux artistes peu inspirés chargés de chanter Faust dans de petits théâtres aux moyens limités. Une parodie de l’Air des bijoux nous laisse augurer du meilleur, mais on retombe vite dans le music-hall, ses clins d’œil et ses ficelles (« J’ai cassé ma bretelle/L’aventure est cruelle »). La mise en scène de Lola Kirchner se contente de peu, elle est inventive, rythmée, cocasse, elle permet à Flannan Obé de ressembler au mime Deburau, de jouer avec sa bouche et ses jambes, de reprendre à son compte tous les lieux communs du théâtre populaire du XIXe siècle.

Aux côtés des deux chanteurs-acteurs, un fin musicien : Pierre Cussac, celui déjà qui accompagnait Jean-Marc Salzmann dans l’enregistrement Dappertutto. Un accordéoniste placide (en apparence), à la fois délicat, virtuose et capable d’imiter le chant des oiseaux comme les fanfares qu’on entend dans les cirques. Un instrumentiste chargé aussi des arrangements, qui figure un orchestre à lui seul.

Si on aime ce répertoire léger, parodique, sans prétention, on retournera la saison prochaine au Studio Marigny, où trois rendez-vous sont annoncés (du 26 au 29 septembre, du 12 au 15 décembre, du 28 février au 5 mars). Avec pour commencer Le Docteur Miracle de Lecocq, arrivé vainqueur, lors d’un concours d’opérette organisé en 1856 par Offenbach, ex-aequo avec son camarade Bizet.

* Qu’on ne confondra pas avec Auguste Barbier, ni avec le librettiste Jules Barbier.

photos : Flannan Obé et Lara Neumann (dr).

Charles Lecocq : Sauvons la caisse ; Frédéric Barbier : Faust et Marguerite. Avec Lara Neumann (soprano), Flannan Obé (ténor), Pierre Cussac (accordéon) ; mise en scène : Lola Kirchner. Studio Marigny, dimanche 24 juin 2019.

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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