Deux violoncelles au Reid Hall

Au cœur d’un endroit secret du quartier de Montparnasse, à Paris, ont lieu des concerts de musique de chambre dans des conditions exemplaires.

Deux violoncelles au Reid Hall

CONNAISSEZ-VOUS LE REID HALL ? Il ne s’agit pas d’une salle de concert située à Boston ou à Liverpool, mais d’un bâtiment on ne peut plus parisien, qui appartient aux Columbia Global Centers, antennes de recherche installées par la Columbia University dans différentes villes du monde, dans le cadre d’une initiative visant à créer une université internationale. Le lieu tient son nom d’une riche philanthrope américaine, Elizabeth Mills Reid qui, d’une faïencerie et d’ateliers d’artistes attenants installés entre les métros Vavin et Notre-Dame-des-Champs, a conçu un complexe universitaire d’abord réservé aux filles. Des personnalités comme Nadia Boulanger et Gertrude Stein furent invitées à y intervenir, et l’endroit a fait son miel du foisonnement artistique du quartier de Montparnasse pendant les années 20 et 30. En 1964, il a été légué à la Columbia University.

Le lieu respire aujourd’hui la quiétude et l’harmonie. On y entre par le 4, rue de Chevreuse, on y est séduit par les jardins, par un chat noir et dodu qui s’y promène avec désinvolture, par la grande salle, enfin, munie de lambris, d’une cheminée, d’une verrière et d’un plancher, dans laquelle ont lieu les concerts organisés par l’association La dive note (ladivenote.fr). Récitals et concerts de musique de chambre, essentiellement, qui se déroulent dans des conditions acoustiques exemplaires. La dimension de la salle (qui n’est grande que par contraste avec les autres salles) et le bois dont elle est en grande partie habillée expliquent ce confort et cette clarté. Ni trop mate, ni trop réverbérante, elle a permis à deux violoncellistes de s’exprimer avec bonheur le 16 février dernier.

Des duos, des sonates

Christophe Coin et Davit Melkonyan, ce soir-là, avaient choisi de rendre un hommage quasi obligatoire à Offenbach, né en 1819 et violoncelliste de formation, mais aussi et surtout aux frères Duport, qui ont beaucoup fait pour l’enseignement du violoncelle à la charnière du XVIIIe et du XIXe siècle. Jean-Louis (1749-1819) et Jean-Pierre Duport (1741-1818) ont en effet composé des Exercices qu’on ne saurait réduire à de simples pièces pédagogiques (l’Exercice n° 8 pour violoncelle seul de Jean-Pierre Duport, « essai sur les doigtés du violoncelle et sur la conduite de l’archet », cache une inspiration certaine) mais aussi des Duos dont le titre ne doit pas induire en erreur : il s’agit souvent de véritables sonates en deux ou trois mouvements et non pas seulement de pages de divertissement.

On apprécie l’entrain et la complicité de Christophe Coin et de Davit Mekonyan (le premier au timbre plus acidulé, le second au son plus rond), et on leur sait gré de nous révéler aussi le nom de Félix Battanchon (1814-1893), qui étudia le violoncelle avec le grand Olive Charlier Vaslin, intégra l’orchestre de l’Opéra de Paris en 1840 et devint professeur de violoncelle à partir de 1851. Sa Pièce caractéristique intitulée « Enterrement de carnaval » et son Duo op. 31 n° 2 méritent un détour.

Nos deux violoncellistes, en bis, jouent une page de Michel Hurel de Lamare (1772-1823) : François-Esprit Auber, l’auteur de La Muette de Portici, fut-il réellement son nègre, comme il est dit ? Peut-être. L’important est que tout le monde, le concert fini, se retrouve à la librairie Tschann toute proche, qui offre un verre. Pareils moments de civilité sont rares, il faut les cultiver.

Illustration : dr

Œuvres de Jean-Louis et Jean-Pierre Duport, Félix Battanchon, Jacques Offenbach ; Christophe Coin et Davit Melkonyan, violoncelle. Reid Hall, 16 février.
Prochains concerts proposés par La dive note au Reid Hall : Mahoko Nakano, piano (23 mars), Ensemble Café Europa (13 avril), Laura Mikkola, piano (25 mai), David Bismuth, piano (22 juin).

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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