Désir, terre et sang d’après Lorca

Au cœur de la morale rigide de l’Espagne traditionnelle

Désir, terre et sang d'après Lorca

A travers des extraits de trois pièces de Lorca, Dominique Serron met sur scène une image impitoyable des traditions ancestrales espagnoles lestées du poids rigide des principes patriarcaux et matriarcaux. Une fresque foisonnante de personnages et de costumes.

Sans doute le parti pris par la metteur en scène déroute-t-il un peu puisque, sans nécessairement conserver le détail de l’intrigue de chaque pièce, elle veut mettre en exergue des comportements de pouvoirs abusifs, des principes rigidifiés par le temps et la religion, des velléités de révoltes portées par une violence débridée. Pour y parvenir, elle présente alternativement des moments clés de « La maison de Bernarda Alba  », de « Noces de sang » et de « Yerma ».

La démarche est foisonnante. Le rythme est dense. Le tourbillon de la présence de protagonistes multiples et donc le passage d’un rôle à un autre pour une majorité de comédien(ne)s est rendu lisible grâce d’une part aux costumes endossés et d’autre part à travers un travail corporel parfaitement maîtrisé. C’est une véritable performance, en régie comme sur plateau, sans faille qui sollicite la voix parlée et chantée, la gestuelle transformatrice d’aspect extérieur.

Les artistes changent de personnage comme par enchantement. On les retrouve au fil des séquences interprétant des rôles disparates. La diversité des costumes autant que leur unité esthétique renforce une impression d’unité cohérente tout en laissant l’impression d’une liberté individuelle laissée à chacun de se transformer, voire de se travestir pour donner présence à des individualités affirmées même lorsqu’il s’agit de figuration éphémère.

La parole de Lorca n’a pas vieilli. Elle reste directe. Elle s’en prend aux préjugés, aux croyances mêlées de superstition, à la tradition du pouvoir patriarcal et aux mariages arrangés entre familles avec la finalité obligatoire de la maternité, à la lourdeur des règles imposées par une Eglise omnipotente à cette époque, aux codes d’honneur à venger dans le sang si nécessaire. Elle met en lumière une parole féminine en révolte latente contre les carcans qui empêchent de vivre la vie.

C’est violent. C’est sensuel. C’est poétique. Un véritable spectacle théâtral qui occupe l’espace de la piste du cirque des Baladins, qui profite de la présence des roulottes pour ouvrir l’espace scénique au-delà du plateau circulaire sur lequel se déroule l’essentiel de la représentation. L’unique reproche qu’on émettra est sans doute celui de la longueur du spectacle qu’allonge inutilement, après l’entracte, un moment de karaoké des chants traditionnels du spectacle, même si cela intègre davantage les spectateurs.

Quant à ceux qui seraient déroutés par l’imbrication des scènes des trois pièces de Lorca, ils seront guidés par la présence d’une sorte de Monsieur Loyal, incarnation d’un ami du poète qui rappelle l’une ou l’autre anecdote de sa vie, revient sur son assassinat par les franquistes, insère des bribes d’histoire liées à cette période trouble que vécut l’Europe au moment de la montée des fascismes préparant la seconde guerre mondiale.

Avignon off 2022 Plaine de l’Abbaye Villeneuve-lez-Avignon Chapiteau des Baladins du Miroir 07>27 juillet 21h30 Durée 2h30

Texte : Federico Garcia Lorca
Adaptation et mise en scène : Dominique Serron
En scène : Stéphanie Coppé / Elfée Dursen / Monique Gelders / Geneviève Knoops / François Houart / Sophie Lajoie / Virginie Pierre et (en alternance) Irène Berruyer / Léonard Berthet-Rivière / Andreas Christou / Merlin Delens / Aurélie Goudaer / Florence Guillaume / Léa le Fell / Gaspar Leclère / Diego Lopez Saez / Géraldine Schalenborgh / Léopold Terlinden / Juliette Tracewski / Julien Vanbreuseghem / Coline Zimmer.
Composition, direction musicale : Line Adam
Scénographie, réalisation des films : Laure Hassel
Création des costumes : Christine Mobers
Création vidéo : Drop The Spoon / Jean-Luc Gason
Création lumières : Xavier Lauwers
Régie lumière : Ananda Murinni
Régie son et vidéo : Antoine Van Rolleghem
Régie plateau : Simon Gélard, Geneviève Knoops, Marie Nils
Direction technique : Xavier Decoux
Coordination technique : Abdel El Asri
Réalisation des décors : Xavier Decoux / Baladins du Miroir
Réalisation des costumes : Marie Nils, Sylvie Van Loo, Isabelle Airaud, Julie Beca, Laure Noremberg
Écriture des textes du « Maître Rouge » : François Houart
Assistanat à la mise en scène : Léopold Terlinden, Elfée Dursen
Assistanat à la scénographie : Noémie Warion
Production : Pascale Mahieu
Création maquillage : Julie Serron
Enregistrements, bruitages : Colin Burton
Percussions (en alternance) Gauthier Lisein, Hugo Adam Piano Line Adam Violon (en alternance) Aurélie Goudaer, Juliette Tracewski Figuration films Lesly Briggs, Cyril Collet, Kevin Lerat, Alexia Lobo, Boris Veraeghen, Antoine Van Rolleghem, Xavier Decoux, Ananda Murinni, Simon Gélard, Marie Nils
Direction générale, artistique : Gaspar Leclère
Administration : Céline Wiertz / Laure Volglaire
Communication, images vidéo : Cécile Pirson
Secrétariat, accueil du public : Virginie Hayoit
Production exécutive, diffusion : Baladins du Miroir / Laure Meyer
Accompagnement du projet en France Karinne Méraud - K Samka
Photos : Pierre Bolle, Laure Hassel, Florian Jeandel, Cécile Pirson
Film de présentation, teaser : Florian Jeande

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre »...

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