Itinéraires, livre de Francis Chapelet

Des Espagnes aux Amériques latines

Mémoires d’un organiste à la multiple carrière itinérante.

Des Espagnes aux Amériques latines

FRANCIS CHAPELET, QUI VIENT DE CÉLÉBRER ses quatre-vingt-dix ans, a publié son livre de confessions : Itinéraires, où il détaille son parcours peu ordinaire dans les plus diverses contrées de l’orgue. Le livre regroupe une série de textes de souvenirs, écrits à des époques différentes, qui mène le musicien organiste à travers les bourgs de la Castille espagnole puis dans un parcours tempétueux en Amérique latine.

Car Francis Chapelet est non seulement un interprète talentueux de l’instrument, mais aussi, et presque surtout, un découvreur et un restaurateur d’instruments enfouis et trop souvent oubliés dans le passé des églises et monastères. Cette passion, cette découverte d’orgues historiques, passe par l’Espagne. Quand tout jeune organiste, donnant de rares concerts et enseignant l’orgue à Talence dans la banlieue de Bordeaux, il s’éprend subitement de la Castille. « Que j’aime l’Espagne, les Espagnes, certes ! C’est mon pays d’adoption », clame-t-il en début de sa narration dans ce pays. De fait, ce Périgourdin ayant débuté à Paris, devait se fixer depuis les années 1958 jusqu’à la fin des années 1980 en Espagne, ou plus précisément dans des petites bourgades au parfum médiéval de la Vieille Castille, entre quelques retours dans son pays d’origine. C’est à cette époque que je l’avais rencontré dans sa maison de Abarca de Campos, aux fins d’un entretien pour France Musique.

Ce sont ces séjours castillans que narre le premier grand chapitre de son ouvrage, après une introduction sur son enfance et son adolescence (déjà voyageuses). On vogue ainsi de Arbarca de Campos, Covarrubias, Pedraza de la Sierra, Paredes de Nava, Liétor (où il aura sa dernière demeure), autant de villages médiévaux, mais aussi à Ségovie ou Tolède tout aussi nimbées d’Histoire ancienne. Dans une langue directe, non dépourvue d’humour et fourmillant d’anecdotes, il narre ses rencontres, ses découvertes et ses échanges avec les institutions locales, le tout illustré de jolis dessins de sa plume de monuments et paysages. Et c’est ainsi, qu’à la recherche d’orgues historiques il entreprend un travail de restauration et de réhabilitation de nombreux instruments. On compte une soixantaine d’orgues restaurés par ses soins (si l’on ajoute ceux d’Amérique latine plus tard, ou de sa ville périgourdine de Montpon-Ménestérol). Chiffre considérable, dont on ne voit guère d’équivalents ! L’Espagne lui sera reconnaissante qui lui confie le poste de président de l’Académie internationale d’orgue ibérique de Castille et de membre correspondant de l’Académie des beaux-arts de Madrid. Alors que son Abarca de Campos lui a dédié le nom d’une rue et la commune de Liétor le nom de son parc urbain.

Trompettes en chamade

Le grand chapitre suivant part pour un voyage en plusieurs contrées des Amériques latines, dans la période (de 1984 à 2013) qui chevauche et suit celle précédente. À l’appui cette fois de pittoresques photographies, toujours de l’auteur, c’est une évocation de Mariana au Brésil, du Mexique, de la Bolivie, de Sucre en Bolivie, d’Altiplano au Pérou, le La Paz de retour en Bolivie, du Costa Rica, d’Uribichá toujours en Bolivie, de Santa Ana au Salvador, de Cuba, de Tarija de retour en Bolivie, de Cuzco au Pérou, de Andahuaylilas dans les Andes péruviennes, toujours à la recherche d’orgues enfouis. S’agissant d’orgues à nouveau de facture ibérique, avec notamment cette particularité des clarines, trompettes en chamade à l’horizontale. Une épopée, encore racontée avec passion.

Le livre se ferme par une évocation de voyages en navire dans une époque récente, d’Amsterdam à Lisbonne, de Southampton à Lima par le Cap Horn, de Bergerac au Havre. Comme une grande invitation au voyage (par le fils de Roger Chapelet, peintre de marine) et comme ainsi tout au long du livre.

En prélude à la parution de son ouvrage, un concert (le 17 novembre 2024) auquel nous avons assisté à l’église Saint-Séverin à Paris, dont il fut titulaire de l’orgue, a marqué la célébration de ses quatre-vingt-dix ans. Étaient ainsi réunis, autour de maître Chapelet à l’orgue, la chorale Zoom, Uriel Valadeau et Lucas Chavaroche à l’orgue, la soprano Mathilde et l’organiste Nicole Cavaillé-Coll (descendantes du célèbre facteur d’orgues), une basse lyrique, un trompettiste et un bassiste, soit vingt-huit musiciens de générations différentes. Hommage vibrant de la part de ceux qu’il avait eu pour élèves ou disciples. Ce que son livre de Mémoires vient en appoint pour relater sa vie de musicien aventureuse à travers sa multiforme et ardente carrière, à nulle autre comparable.

Francis Chapelet, Itinéraires, Éditions Orgues Nouvelles, 412 pages, 30 euros.

A propos de l'auteur
Pierre-René Serna
Pierre-René Serna

Journaliste et musicographe, Pierre-René Serna entretient plusieurs activités paramusicales (organisation de colloques, rédaction de programmes de concerts et d’opéras, conférences, production d’émissions radiophoniques) et collabore à différents...

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