Compositrices à l’amphithéâtre
De jeunes chanteurs en résidence à l’Académie de l’Opéra de Paris interprètent Pauline Viardot, Augusta Holmès et quelques autres.
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- 17 février
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L’AMPHITHÉÂTRE OLIVIER MESSIAEN, à l’Opéra Bastille, est une salle bien conçue pour faire entendre notamment de jeunes interprètes tels ceux qui travaillent au sein de l’Académie de l’Opéra national de Paris. On a pu assister, ainsi, à un récital de mélodies françaises interprétées par trois chanteurs de tessitures différentes, tous membres, depuis septembre 2022, de cette Académie – une mezzo-soprano, Marine Chagnon, ayant dû annuler sa participation au dernier moment pour raisons de santé.

Il est toujours aventureux d’imaginer quel sera l’avenir de tel ou tel jeune talent. On se contentera aujourd’hui d’apprécier la maturité, déjà, de Margarita Polonskaya, née à Moscou, qui interprète ici cinq des douze mélodies composées sur des poésies russes par Pauline Viardot, dont cette Évocation violemment passionnée où se glissent des instants d’une étonnante douceur. La chanteuse est évidemment très à l’aise avec la langue, et on peut deviner quelle Tatiana, dans quelque temps, elle pourra incarner.

Laurence Kilsby aborde avec une diction naturelle et une riche sensibilité quatre mélodies sur des poèmes de Baudelaire composées par la méconnue Rita Strohl (1865-1941), dont la musique fut jadis interprétée par Jane Bathori et Pablo Casals. Le jeune ténor est pourvu d’un timbre très personnel et d’un beau médium, mais son registre grave mérite d’être consolidé. On apprécie sa manière d’enfler la voix à la fin de La Cloche fêlée, de prendre le ton dramatique ad hoc dans La Mort des pauvres, on lui sait gré par ailleurs d’avoir étoffé son programme en ajoutant trois mélodies de Lili Boulanger (dont la très debussyenne Les Lilas qui avaient fleuri) aux trois pages de Nadia Boulanger, dont on retiendra surtout Versailles (avec une belle note en voix de tête, à la fin, sur « s’écoule »).

D’Augusta Holmès enfin, la basse Adrien Mathonat avait choisi trois mélodies du cycle Les Sept Ivresses (1883), sur des paroles de la compositrice elle-même. Trois mélodies ou plutôt trois scènes lyriques munies d’un accompagnement élaboré qu’on aimerait entendre à l’orchestre. L’Or en particulier, page violente en deux parties reliées par un bref interlude instrumental, a quelque chose d’un air maléfique, certes un peu démonstratif, mais qui produit son effet. Adrien Mathonat est une belle personnalité, d’un tempérament véhément quand il le faut, mais sa diction est encore perfectible.
Certes, comme on l’a dit, une chanteuse a dû renoncer à participer à la soirée, mais quelques autres mélodies ou plusieurs ensembles auraient été les bienvenus (une Havanaise de Pauline Viardot était prévue, par Margarita Polonskaya et Marine Chagnon). À défaut, les pianistes Guillem Aubry (qui accompagnait les chanteurs) et Carlos Sanchis Aguire ont fait entendre trois des Six pièces romantiques de Cécile Chaminade, à quatre mains, dont la bondissante Chaise à porteur et la belle Sérénade d’automne.
Illustrations : profil d’Augusta Holmès (dr) ; Margarita Polonskaya (Vincent Lappartient) ; Laurence Kilsby (studio J’aime beaucoup ce que vous faites/OnP ; Adrien Mathonat (studio J’aime beaucoup ce que vous faites/OnP)
Mélodies de Rita Strohl, Pauline Viardot, Cécile Chaminade, Nadia Boulanger, Lili Boulanger, Augusta Holmès. Margarita Polonskaya, soprano ; Laurence Kilsby, ténor ; Adrien Mathonat, basse ; Guillem Aubry et Carlos Sanchis Aguirre, piano. Amphithéâtre Olivier Messiaen de l’Opéra Bastille, 16 février 2023.