Bourrasque de Nathalie Bécue d’après Synge

Un orage irlandais

Bourrasque de Nathalie Bécue d'après Synge

Les titres des documents et des affiches de Bourrasque ne précisent sans doute pas suffisamment qu’il s’git d’une adaptation d’une pièce de John Millington Synge, L’Ombre de la vallée. Nathalie Bécue s’est inspirée très librement de la pièce et des témoignages laissés par l’écrivain quand il partit vivre quelque temps dans les îles d’Aran. C’est bien le monde de Synge qu’on trouve ici, même si l’évolution des personnages n’est plus tout à fait la même et même si le langage a un rugueux qui vient surtout de l’imagination de l’auteure française. Dans un hameau perdu sur l’une de ces îles laminées par les tempêtes, un couple survit difficilement à la fin de leur amour, totalement épuisé par les années qui ont passé. La femme a gardé toute son énergie, lui tient à peine debout. Et, d’ailleurs, au moment où un nouveau voisin vient faire ses salutations, le mari s’effondre. Mort. Dans ces contrées-là, on redresse un peu le mort et on le couvre d’un drap. Et on continue à boire. Entre l’épouse et le visiteur la sympathie se développe. Elle pourrait les mener loin. Ils font quelques projets, plutôt indifférents au cadare. Mais le mort se réveille. Il a tout entendu. A-t-il simulé sa mort ? Il n’est pas content. Tout ce monde, plus un autre passant qui rapplique, hausse la voix, montre les poings. Mais, avec le retour de l’humanité et de la lucidité, tout pourrait s’arranger, une fois les cartes rebattues.
Nathalie Bécue, qui interprète l’épouse, joue comme elle écrit : dans la rudesse masquant la noblesse des sentiments, et sans céder à la joliesse. Elle défend fort bien sa pièce. Pierre-Alain Chapuis, qui est l’un de nos plus grands comédiens, donne au rôle du mari une belle violence bourrue et les lentes fluctuations d’une laborieuse pensée cassant sa torpeur. Théo Chedeville est un étranger complexe sous l’apparence d’un personnage bonhomme et aviné. Philippe Smith complète la distribution avec une discrétion nuancée. La mise en scène de Félix Prader détaille bien les orages et les accalmies de cette danse de mort virant à la danse de vie.

Bourrasque, variation de Nathalie Bécue sur L’Ombre de la vallée de Synge, mise en scène de Félix Prader, scénographie et costumes de Cécilia Galli, création sonore d’Estelle Lembert, collaboration artistique d’Aurélia Guillet, avec Nathalie Bécue, Théo Chedeville, Pierre-Alain Chapuis, Philippe Smith.

Théâtre de la Tempête, cartoucherie de Vincennes, tél. : 01 43 28 36 36, jusqu’au 15 avril. (Durée : 1 h 15).

Photo Antonia Bozzi.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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