A la trace d’Alexandra Badea
Enquête sur une inconnue
Une jeune femme découvre, dans un sac oublié dans la rue, une carte d’électeur. Elle part à la recherche de cette personne, « à sa trace », mais le nom de cette inconnue est portée par plusieurs femmes. Son enquête purement privée, personnelle et nullement policière, l’entraîne sur plusieurs pistes où elle erre longtemps. Une autre histoire s’entrecroise avec cette quête, celle d’une femme marchand d’art qui intervient à différents moments. Le puzzle mis en place aboutit, après une série de boucles et d’impasses, à une rencontre finale où les deux trajectoires atteignent leur point commun, où tout s’explique : l’idée de la filiation, qui est au cœur de la pièce, prend alors toute sa force.
Pour qui connaît le passionnant théâtre d’Alexandra Badea, cette pièce est une surprise. A son langage jusqu’alors glacé, à l’intérieur desquels les êtres se limitent aux pensées stratégiques que le monde moderne leur impose, elle substitue une écriture beaucoup plus sensible, aux émotions et aux tempos suspendus. Et les personnages ne sont pas constamment dans des monologues et des discours intériorisés. Ils en viennent souvent au dialogue, à des échanges proches ou lointains avec l’autre. C’est d’une nouvelle beauté mais cela pousse l’auteur à être parfois explicatif et à renoncer à la concision qui lui va si bien. Cette évolution est née de la collaboration avec Anne Théron, metteur en scène et cinéaste, qui a proposé un travail d’étroite collaboration rejoignant ses thèmes et sa pratique théâtrale où l’audiovisuel fabriqué en studio est partenaire du jeu qui se déroule au présent. L’objet final est trop long, un peu distant, puisqu’il utilise une sonorisation continue et beaucoup d’images. Mais son interprétation par Liza Blanchard (dans le rôle central), Judith Henry, Nathalie Richard et Maryvonne Schilz, est très musicale. L’ensemble est un grand concerto de présences feutrées, de mots et d’images ambivalents, conçu d’une manière savante et raffinée, trop abondant, trop riche en scènes et en moyens déployés. Mais c’est au-dessus du lot commun, à la hauteur de l’ambition affirmée, provoquant une réelle fascination.
A la trace d’
Alexandra Badea
Mise en scène d’ Anne Théron. collaboration artistique de Daisy Body
,, assistanat de César Assié, de cénographie et costumes de Barbara Kraft, lumière de
Benoît Théron, son de
Sophie Berger. Images de
Nicolas Comte, montage de
Jessye Jacoby-Koaly. Musique :
Jeanne Garraud (piano),
Mickaël Cointepas – (batterie ) Raphaël Ginzburg (violoncelle
)Marc Arrigoni Paon Record (prise de son), accompagnement au chant d’ Anne Fischer. Avec,
Liza Blanchard ,
Judith Henry,
Nathalie Richard, Maryvonne Schiltz. Comédiens dans les parties filmées : Yannick Choirat , Alex Descas, Wajdi Mouawad, Laurent Poitrenaux,
Théâtre national de la Colline, tél. : 01 44 62 52 52, jusqu’au 26 mai. Texte aux éditions de l’Arche. (Durée : 2 h 20).
Photo Théâtre national de Strasbourg.