Meetings poétiques

Beat’Ume & Angles morts

Meetings poétiques

Deux spectacles musicaux se partagent l’affiche du théâtre des Doms durant ce festival 2023. « Beat’Ume » donne chance à un duo de jeunes slameuses qui parlent de la rue, de l’exclusion, des violences faites aux femmes… « Angles morts » permet à la performeuse poète d’accentuer sur scène la dynamique de ses mots qui témoignent de son origine africaine et de son homosexualité.

Beat’Ume : plein la rue

Deux petites bonnes femmes complices. Elles chantent un peu comme ça semble venir. Des phrases scandées avec des mots du quotidien, d’argot de rue, mélange de trivial et de léger. Ça semble spontané et improvisé mais c’est très concerté, mine de rien.
"Deux meufs en scoot
On t’dépasse dans les embout’
Notre liberté
Elle t’a choqué
Au coin d’la rue
Un souvenir de ta vie
Que toi tu gardes au fond de ton leurre
Mais nous on sera déjà loin vers d’autres guérillas sur l’scooter
"

Qu’on ne s’y trompe pas, le quotidien qu’elles décrivent est celui des abandonnés qui traînent dans les rues de Bruxelles ou d’ailleurs, en quête d’une existence autre. Ce sont les précaires, les mis au rencard, les abandonnés de la chance, les exclus volontaires ou obligés. Ceux qui ne savent pas trop comment être aidés. Ceux qui subissent rejet, mépris, pitié, violences diverses, entre une liberté floue et une répression sourde. C’est aussi l’envers décrit du décor pour les artistes qui choisissent un métier aléatoire de saltimbanque.

Les paroles lancées ont l’humour noir, l’ironie décapante, le recul lucide mais aussi la dénonciation sans fard d’un mal être d’une société qui n’est pas parvenue à mettre ses progrès au service des moins nantis. Elles véhiculent une part de naïveté mais sont le miroir des rêves d’une partie de la jeunesse. Leur pétulance est contagieuse.

Angles morts : changer de point de vue

Joelle Sambi a des choses à dire. Ce n’est pas rien. D’abord prendre en compte le lourd passé de la décolonisation et le racisme qui en avait découlé. Ensuite sa marginalité par rapport aux siens en affichant qu’elle est lesbienne. C’est un combat. Le décor y fait allusion qui rappelle celui des rings ou des salles d’entrainements de boxe. Elle confie :

"Moi, quand j’écris
ça toussote, ça hésite,
ça interroge, ça reluque,
ça lorgne, examine,
évalue, soupèse.
Ca trépigne
."

Entourée de Sara Machine et de Kenza Deba, elle mêle musique et discours, prose et poésie, slogans et métaphores, voix et corps. Pas de temps creux pour dénoncer comment les peuples d’Afrique ont souffert d’être sous la coupe des Occidentaux. C’est torrentiel. C’est survolté. L’énergie est ici déferlante et il faut s’accrocher pour tenir jusqu’au bout.

Voilà qui réclame un après. Car la poésie quand elle est vraie est toujours porteuse d’un message, qu’il soit esthétique ou idéologique. C’est bien le cas pour ces « Angles morts ». Il conviendrait avoir la possibilité de recourir au texte originel pour que les mots s’inscrivent dans la mémoire et s’y gravent en tatouant en nous ce qu’ils nous disent afin d’aller au-delà des préjugés. Spectacle coup de poing, spectateur un peu groggy.

Beat’Ume  :

Durée : 30’
06>29 juillet 2023 Festival Off Avignon Théâtre des Doms 19h30

Slameuses : Z&T : Zouz et T.A (Zoé Henne Zouz & Théa Simon)
Dramaturge : Diana David
Créateur son : Antonin Simon
Crédits Photos : Barbara Buchmann
Coproduction : Lezarts Urbains, Espace Magh, Théâtre des Doms
Soutiens : Slameke, Maelström, Théâtre des Doms, La Balsamine, La Bellone, Maison Poème, Centre culturel Jacques Franck, Tulitu, Librairie Météores, Article 27, Prix Paroles Urbaines, Maison Culture de Molenbeek
Lire : Z et T, "Beat’Ume", Bruxelles, Maelstrom, 2023, coll. Booking, coll. Booking n°185, 42 p. (3€)

Angles morts

Durée 1h
06>29 juillet 2023 Festival Off Avignon Théâtre des Doms 20h

Avec : Joëlle Sambi, Sara Machine, Kenza Deba
Voix : Bintou Touré
Textes, mise en scène : Joëlle Sambi
Assistanat à la mise en scène : Margot Briand
Appui politique et poétique : Milady Renoir
Dramaturgie : Anne Festraets
Composition musicale, création sonore : Magali Gruselle (Sara Machine)
Création et régie sonore : Nicolas Pommier
Chorégraphie : Hendrickx Ntela
Création lumière : Ledicia Garcia, Laurence Halloy
Régie générale et lumière : Véronique De Backer
Scénographie : Christine Grégoire
Costumes : Romane Paquay
Production et diffusion : Sasha Lampole
Crédits Photos : Margot Briand
Soutiens
Production : MoDul et Solala Bien
Coproduction : La Balsamine (Bruxelles), L’ancre (Charleroi), La Coop asbl et Shelter Prod
Soutien : Théâtre des Doms, Théâtre national Wallonie-Bruxelles, Lezarts Urbain, Ministère de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service théâtre, service égalité des chances de la ville de Bruxelles, Région de Bruxelles-Capitale, Wallonie-Bruxelles International, COCOF, SACD, KLAP Maison pour la danse (Marseille), Vieux Tournay, Fonds de Dotation féministe et lesbien, Taxshelter.be, ING, Tax-shelter du gouvernement fédéral belge.

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

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