George de Molière

Le mâle mal marié

George de Molière

« Clinic Orgasm Society » est une troupe qui se considère comme un « lieu virtuel d’expérimentation ». Alors quand elle décide d’ajouter Molière à son palmarès, on s’attend à tout. Et précisément, ce tout-là c’est quelque chose !

Promis. Juré. La compagnie ne changera rien au texte de Molière. Ah bon ! Et puisque ce « George Dandin » fut créé à Versailles devant Louis XIV lors d’un ‘grand divertissement royal’, elle fera un emprunt au siècle de l’auteur en incorporant un intermède chanté, une pastorale, récit des amours entre bergères et bergers qui étaient fort à la mode.

Voilà donc le parti pris du baroque bien parti : ajoutons un troupeau de moutons pour accueillir les spectateurs, pour paitre au loin, pour accompagner la musique de leurs sonnailles tintinnabulantes, être des témoins bêlant de cette histoire d’amour impossible. On aime ou on rejette. Mais il faut bien convenir que tout cela demeure dans la ligne des extravagances de l’époque. Tout est donc permis. Hormis la vulgarité.

Du coup, le texte initial passe parfois à l’inaudible tandis que le charivari s’installe. C’est moins important qu’il n’y paraît. D’autant que, par moments ; des surtitres viennent au secours des oreilles. La pièce demeure ce qu’elle est : une leçon sur l’imperméabilité des classes sociales entre elles ; une démonstration indirecte que, en matière de sexe, les hommes sont considérés mâles dominants ; les femmes sont en quête de liberté ; l’argent n’est pas l’amour.

Alors, pourquoi pas se laisser aller ! Ça caquète et ça piaille. Ça cavale et ça carnavale. Ça gigote et ça bondit. C’est rythmé. Très pidant et très physique. C’est un engagement permanent qui occupe tout l’espace du plateau sur lequel il y a, notamment, on n’en est pas à un anachronisme près !, une grosse bagnole d’avant l’an 2000. Les costumes inventifs de Lopez Le Gailliard sont chamarrés, emplumés, strassés... La bande son est devenue bande de musiciens jouant en direct.

Parodie de dessins animés du style course-poursuite ou méchant horrifique contre petit gentil, aucun temps mort. Des gags visuels, des trouvailles scéniques, de la musique en direct. Parodie aussi des ‘bergeries d’autrefois’ aussi niaises que des romans sentimentaux actuels, mise à mal des stéréotypes sexistes et sociétaux. Parodie encore du guignol, voire du grand guignol et même contrefaçon de la revue à grand spectacle

Avec, parmi d’autres moments savoureux, une extraordinaire théâtralisation de la scène fameuse où le mari se fait piéger en étant coincé hors de la maison, sans clé pour y rentrer. Le décor se réduit alors à une porte tenue verticalement par les protagonistes, mobile, basculant à l’horizontale du plancher, reprenant son rôle d’obstacle infranchissable, métonymie du cloisonnement social et des murs frontaliers courants aujourd’hui.

Finalement, que les mots de Jean-Baptise Poquelin ne soient pas tous distillés selon les critères d’une représentation plus classique, cela n’a pas une importance capitale. Ce qui compte pour la Cie Clinic Orgasm Society, c’est le plaisir. Le leur, avec ou sans masque, serait plutôt contagieux.

19-30 avril 2022 Varia (Bruxelles)
3-5 mai 2022 Le Manège (Mons)

Durée : 2h
Comparer : version de Hervé Pierre : https://webtheatre.fr/Georges-Dandin-de-Moliere
version de Michel Fau : https://webtheatre.fr/Dandin-il-le-Fau

Avec : Yoann Blanc, Raphaëlle Corbisier, Adrien Desbons, Grégory Duret, Thymios Fountas, Eline Schumacher, Olivia Stainier, Clément Thirion

Mise en scène : Ludovic Barth, Mathylde Demarez
Assistanat à la mise en scène : Hugo Favier, Lorenzo Folco, Théo Reveillaud
Musique en présentiel : Frédéric Becker, Catherine De Biasio, Grégory Duret
Figuration : amateur.ices, étudiant.es de l’INSAS (Bruxelles), ARTS² (Mons) et IAD (Louvain-la-Neuve)
Musique originale : Grégory Duret
Chorégraphie : Clément Thirion
Création costumes : Nina Lopez Le Galliard, Odile Dubucq
Réalisation costumes : Ateliers du Théâtre de Liège, Ateliers du Varia
Scénographie : Zouzou Leyens
Construction : Guy Carbonnelle, Corentin Mahieu, Chloé Tempelhof, Louise Vacher Weiss, Robinson Catelin, Zouzou Leyens
Création lumières : Marc Lhommel, Clara Bellemans
Conseil vocal : Raphaële Germser
Couteau suisse : Victor Demarez
Coordination générale : Christel Lislagers
Production : Clinic Orgasm Society
Coproduction : Varia, MARS (Mons)µ, Théâtre de Liège, Coop asbl ; Shelter prod.
Aide : Fédération Wallonie-Bruxelles / Service du Théâtre
Soutien : taxshelter.be, ING ;Tax-Shelter du Gouvernement fédéral belge

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook