Paris Théâtre des Champs Elysées jusqu’au 21 décembre 2013

DIALOGUES DES CARMELITES de Francis Poulenc

L’éternité dans la noire clarté des étoiles

DIALOGUES DES CARMELITES de Francis Poulenc

Mais qu’ont elles donc ces Carmélites contées par Georges Bernanos, mises en musique par Francis Poulenc, pour occuper depuis quelques mois le devant des scènes des maisons d’opéras, en régions - à Bordeaux, à Lyon, à Nantes - comme à Paris ? Le cinquantenaire de la mort du compositeur n’explique pas tout, beaucoup d’autres œuvres de son cru pourraient le célébrer. Le mysticisme serait-il dans l’air du temps, comme l’avait prédit André Malraux, en désignant le XXIème siècle  ?

Pour Olivier Py qui signe la mise en scène de la production qui vient d’être créée au Théâtre des Champs Elysées, la foi fait partie intégrante de sa vie et l’on ne s’étonnera pas qu’au terme d’un marathon qui a additionné quatre réalisations en l’espace de trois mois – Aida, Alceste à Paris, Siegfried Nocturne à Genève, Hamlet à Bruxelles (voir WT3845, 3878 & 3946)– il ait trouvé dans ce chef d’œuvre de ferveur religieuse la source d’une inspiration intime. Déclinée dans les camaïeux noirs et blancs qu’il affectionne, il en tire une rêverie illuminée qui, du huis clos d’un couvent provincial à la voûte étoilée de l’au-delà, trace le destin de ces femmes touchées par la grâce qui les unit à Dieu.

Toujours épaulé en complicité plastique par Pierre-André Weitz pour les décors et les costumes et Bertrand Killy pour les lumières, l’ancien directeur de l’Odéon et futur patron du Festival d’Avignon, laisse planer son imaginaire dans une suite de tableaux d’une saisissante beauté. Images dépouillées d’emphase, simplicité des costumes, Olivier Py navigue dans l’intemporel. On y retrouve aussi ses marottes qui s’intègrent avec naturel, comme ces devises tracées à la craie sur fond de tableau noir – Liberté en Dieu - Egalité devant Dieu - ou la présence continue de la servante, l’ampoule nue dépêchée par le dieu de théâtre pour veiller au bon déroulement du spectacle.

Des panneaux en mouvements découpent les paysages, les alignent en croix géante, découvrent des forêts d’arbres de neige et de suie, esquissent des perspectives striées de rayons coupant comme des lasers. La Prieure à l’agonie est suspendue dans un vide blafard, son lit est accroché à la verticale, la scène se déroule comme vue d’en haut, d’un infini prémonitoire que la mourante va rejoindre les bras en croix.

Mais que seraient ces tableaux sublimes sans les interprètes qui les peuplent ? Le Théâtre des Champs Elysées a réuni une distribution de belles personnes au jeu habité et aux voix, le plus souvent, en osmose parfaite avec les exigences de la musique.

Blanche de la Force par Patricia Petitbon devient une ado dévorée d’effroi irrationnel, un petit être déchiré au timbre clair, pour ainsi dire virginal, où grimpent des aigus exaltés qui filent vers les cieux. Sandrine Piau devait incarner Constance, l’amie inséparable, celle qui pressent l’avenir. Souffrante elle fut successivement remplacée par Anne-Catherine Gillet - la Blanche gamine ballotée entre frousse et courage de Nantes (voir WT 3889) – et par la jeune Sabine Devieilhe, soprano au timbre léger qui lui confère une grâce enfantine. Véronique Gens, en Madame Lidoine, la seconde Prieure allie l’autorité à la noblesse d’une voix ample et radieuse, Sophie Koch prend en douceur les traits et les inflexions de Mère Marie. En première Prieure agonisante Rosalind Plowright peine en revanche à réfréner un vibrato envahissant et à trouver le difficile équilibre entre les outrances du personnage et la musicalité de son chant. Topi Lehtipuu, Chevalier de la Force, frère de Blanche lui apporte la flamme de sa vigilance, Philippe Rouillon confère une sombre autorité à son père le Marquis de la Force, François Piolino est l’aumônier confesseur avec une juste pudeur.

Jérémie Rohrer dirige le Philharmonia Orchestra en lieu et place d son habituel Cercle de l’Harmonie, avec la fougue qu’on lui connaît, ce tempérament de feu parfaitement articulé qu’il déploie dans les répertoires les plus divers, de Mozart à Grétry ou Kurt Weill jusqu’au contemporain Thierry Escaich pour lequel il créa Claude à l’Opéra de Lyon (voir WT 3689). Il saisit les couleurs de Poulenc et les modèle à la fois en densité émotive et en vivacité théâtrale. Une façon de lui rendre justice au sommet.

Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc d’après Georges Bernanos, Philharmonia Orchestra, direction Jérémie Rohrer, chœur du Théâtre des Champs Elysées, direction Alexandre Piquion, mise en scène Olivier Py, décors et costumes Pierre-André Weitz, lumières Bertrand Killy. Avec Patricia Petitbon, Véronique Gens, Sophie Koch, Sabine Devieilhe (en remplacement de Sandrine Piau), Rosalind Plowright, Topi Lehtipuu, Philippe Rouillon, François Piolino Annie Vavrille, Sophie Pondjiclis, Jérémy Duffau, Yuri Kissin, Mathieu Lecroart, Vanessa Devraine.

Théâtre des Champs Elysées, les 10, 13, 17, 19, 21 décembre à 19h30, le 15 à 17h.


+33 1 49 52 50 50 – www.theatrechampselysees.fr

Photos Vincent Pontet - Wiki-spectacles

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook