Critique – Opéra & Classique
Don Pasquale de Gaetano Donizetti
En souriante intimité bourgeoise
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- 16 juin 2018
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Curieusement ce Don Pasquale, perle musicale du grand Donizetti de Bergame n’avait jamais été programmé par l’Opéra National de Paris. Le voici donc enfin inscrit à son répertoire dans une production pleine de charme et d’humour.
Ce dramma buffa – comédie dramatique, créé en 1843 au Théâtre Italien de Paris, recèle des substances où les drôleries se mêlent aux mélancolies dans d’incessantes allers et venues de mélodies aux couleurs irisées de pastels. Une ironie douce-amère traverse l’ensemble comme un sourire désabusé par rapport au temps qui passe et qui transforme peu à peu la jeunesse en vieillesse. Un âge inavouable que le barbon incarné par le personnage titre refuse de reconnaître en prenant pour épouse la fringante Norina, jeune beauté futée, aimantée par sa fortune. Dont elle compte jouir avec son amant Ernesto. Malatesta, docteur ès intrigues et embrouilles, organisera le stratagème qui dupera le vieil homme.
Damiano Michieletto, metteur en scène facétieux qui nous avait servi un Barbier de Séville hilarant (voir WT du 30 septembre 2010, repris déjà deux fois en septembre 2014 et février 2016) installe les désillusions du patriarche dans un décor qui le situe quelque part à la mi-temps du XXème siècle. Mobilier de bourgeois plan-plan que la jeune épousée enverra valser dans les décombres pour lui substituer du design chic et cher. Michieletto joue au cinéaste façon Dino Risi, se transforme en cameraman captant les scènes à nu et les mêlant à des décors déjà filmés, expédiant le tout en images géantes en fond de scène. Il nous fait assister au tournage, se fait directeur d’acteurs, ordonnanceur de lumières, régisseur de décors. Nous entraînant dans l’intimité d’une petite bourgeoisie ordinaire.
Michele Pertusi, basse souvent entendue et appréciée sur le plateau de l’Opéra de Paris (notamment dans Les Puritains de Bellini en 2013 – voir WT 3937 du 24 novembre 2013-) endosse ici les désillusions du géronte et en fait une sorte de clown désabusé. Ses graves résonnent en désenchantement moral, ses aigus apportent quelques traits de lumière. Il compose un Pasquale ridicule d’autant plus attachant que face à lui la Norina de Nadine Sierra explose de jeunesse et de cynisme. Elle est jeune, elle est belle, fine et gracieuse des jambes jusqu’à la voix aux coloratures tourbillonnantes. Ernesto, son homme de cœur, se dote du timbre clair presque galant du ténor Lawrence Brownlee tandis que le baryton Florian Sempey s’empare du vilain Malatesta en belcantiste cuivré et comédien chevronné.
Dans la fosse Evelino Pido fait jaillir toute la palette des couleurs d’un Donizetti railleur et danseur. Il dirige d’une fine baguette, scrutant chaque instrumentiste d’un œil vigilant se levant vers la scène dès qu’une voix se fait entendre.
Sourires et rires garantis
Don Pasquale, musique et livret de Gaetano Donizetti, assistant au livret Giovanni Ruffini, oorchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Evelino Pido, chef des chœurs Alessandro Di Stefano, mise en scène Daliano Micheletto, décors Paolo Fantin, lumières Alessandro Carletti. Avec Michele Pertusi, Nadine Sierra, Florian Sempey, Lawrence Brownlee , Frédéric Guieu .
Palais Garnier – Les 9, 11, 13, 16, 19, 22, 26, 29 juin, 2, 6, 9, 12 juillet à 19h30
08 92 89 90 90 – www.operadeparis.fr
Photos Vincent Pontet