Paris, Théâtre du Rond-Point jusqu’au 27 juin 2010

Voyageurs immobiles de Philippe Genty et Mary Underwood

Une odyssée qui ne tient pas toutes ses promesses

Voyageurs immobiles de Philippe Genty et Mary Underwood

Les spectacles de Philippe Genty sont faits de l’étoffe de nos rêves et de nos cauchemars. Sa démarche artistique emprunte au principe psychanalytique de l’association d’idées (il a d’ailleurs consacré un spectacle à Freud) qui permet les libertés les plus extravagantes. Marionnettiste de formation, il orchestre un ballet d’images animées par des artistes internationaux exceptionnels, acteurs, chanteurs, contorsionnistes, manipulateurs de figures de celluloïd ou de chiffon. Cette nouvelle version d’un spectacle créé il y a 15 ans n’a pas la grâce ni la force de Boliloc, son avant-dernière création. Il n’en reste pas moins qu’on admire un savoir-faire incontestable et un sens stupéfiant de l’escamotage en tous genres. Le thème de l’exclusion court de scène en scène, décliné dans le contexte de la société du profit qui fait peu de cas de l’humain.

Sur la mer démontée, des hommes et des femmes survivent sur un esquif minuscule évoquant les boat people. Le tragique manque d’espace, il devient farce avec les bébés à têtes d’homme coincé dans des cases qui dérivent sur la mer. Brutalement, place à l’immensité d’un désert traversé par un petit camion miniature ; on entend, grandeur nature, une voix, qui ne peut être que celle du chauffeur, chanter « Cielito lindo », célèbre chanson mexicaine. Genty excellent dans les effets sur les jeux d’échelles. Dans le désert, des bébés naissent dans des choux, tombent du ciel en parachute, ou sont catapultés comme des bombes à mortier. La guerre est là ; on fait disparaître les corps dans du papier d’emballage, comme de vulgaires objets. D’ailleurs la base de travail est la matière, le papier, le plastique, qui conditionne toutes les actions, tous les gestes. Au loin, une ville s’est dressée, vision de Wall street et de la folie des marchés boursiers en plein désert. Plus tard, surgissant d’un tapis de nuages, des hommes en poursuivent d’autres en leur demandant leurs papiers. Des moments de pure poésie succèdent à des scènes tragiques comme cette lutte à mort métaphorique entre le Nord et le Sud. Un beau spectacle mais qui ne transporte pas au pays des rêves comme les précédents, peut-être parce que l’onirisme fait ici trop de place à la pensée au lieu de la fondre dans l’opacité des songes.

Voyageurs immobiles de Philippe Genty et Mary Underwood. Musique Henry Torgue et Serge Houppin. Interprètes : Amador Artiga, Marjorie Currenti, Marzia Gambardella, Manu Kroupit, Pierrick Malebranche, Angélique Naccache, Lakko Okino, Simon T Rann. Costumes : Victoria Desogos, Tomoe Kobayashi.

Au théâtre du Rond-point, du mardi au samedi à 20h30, samedi et dimanche 15h. Tel : 01 44 95 98 21. Durée 1h30.
www.theatredurondpoint.fr

Crédit photographique : Brigitte Enguérand

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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1 Message

  • Voyageurs immobiles de Philippe Genty et Mary Underwood 12 février 2011 09:09, par Fouillet

    Du beau et grand spectacle.
    Une belle soirée au théâtre de Laval ce vendredi soir

    Répondre au message

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