Respire de Sophie Maurer

Entre la vie et la mort

Respire de Sophie Maurer

Une jeune femme vient d’accoucher. Son bébé, dont les poumons sont insuffisamment développés, est entre la vie et la mort. Une attente insupportable durant laquelle la mère parle dans un flot continu à son enfant, comme pour lui insuffler le désir de vivre, l’aider à déployer les alvéoles pulmonaires pour accueillir l’air et la vie. Cette adresse à sa petite fille l’aide à tromper l’angoisse. Les mots arrivent vite, les idées déboulent, elle n’a pas le temps de trier. Dans l’urgence de la situation elle dresse un portrait du monde qui attend son enfant, dans toutes ses contradictions, ses horreurs et ses beautés, l’absurdité de la société des hommes sans avenir qu’elle devra affronter, mais aussi la chance extraordinaire d’être en vie. L’évocation de désastres planétaires laisse place à la joie des mille premières fois à venir qu’elle égrène dans l’oreille de son petit écureuil (ou suricate, ou castor, etc., c’est selon), comme un hymne à la joie, à la vie. Imaginer les premiers pas, les premiers mots, la première chute, le premier baiser, le premier voyage, etc., c’est projeter l’enfant dans sa future existence et si elle n’entend rien à ce qu’on lui raconte, un jour, elle vivra une de ses premières fois avec une impression de déjà vu, une réminiscence indéfinie. Ainsi de l’ange qui à la naissance efface tout le savoir détenu par le nouveau-né en déposant un baiser au-dessus de sa lèvre supérieure dont cette petite fossette qui nous reste est le témoin.
Romane Bohringer porte le texte tendre, terrible et drôle de Sophie Maurer avec beaucoup d’émotion et de tenue. Dommage que Panchika Vélez n’ait pas fait complètement confiance à l’auteur et à la comédienne qu’elle encombre d’une scénographie malvenue et d’une musique superflue, ce qui ne met nullement en cause le talent du musicien. Etait-il nécessaire de s’adresser à une pseudo-couveuse absente qu’on tente de faire exister au milieu d’un matériel vaguement hospitalier, surligné par la projection d’images de couloir d’hôpital (travaillées avec talent par Mélina Vernant) ? Romane Bohringer a suffisamment de présence et de talent pour se passer de ces artifices. Le spectacle et la métaphore qu’il suggère de l’incertitude d’un monde entre la vie et la mort gagneraient en intensité.

Respire de Sophie Maurer, mise en scène Panchika Velez, avec Romane Borhinger et Bruno Ralle. Scénographie et lumières, Lucas Jimenez. Musique, Baloo Productions. Paris, La Piccola Scala, du jeudi au samedi à 19h30 du 15 septembre au 8 octobre 2022 et du 3 février au 1er avril 2023. Tel : 01 40 03 44 13.
www.lascala-paris.fr

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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