Paris, Théâtre du Lucernaire jusqu’au 11 septembre 2010

Nunzio de Spiro Scimone

Un Nunzio bouleversant

Nunzio de Spiro Scimone

Le Sicilien Spiro Scimone a coutume de jouer lui-même ses pièces avec son ami d’enfance et complice, le metteur en scène Francesco Sframeli. On a eu l’occasion de les voir au théâtre de la cité internationale et au théâtre du Rond-point dans des mises en scène de Carlo Cecchi. Son théâtre est proche de celui de Dario Fo, essentiellement pour la primauté qu’il accorde à l’acteur dans son écriture, mais il rejoint parfois l’univers de Beckett comme dans Il Cortile qui évoque fortement En attendant Godot. C’est que Scimone s’intéresse à l’intimité des relations entre les hommes et aux conflits qui les opposent. Toujours sensible à la dimension tragique de la vie des êtres qu’il met en scène, il privilégie une écriture épurée, joue finement des silences et glisse du sens entre les mots. Nunzio met en scène deux anti-héros, deux êtres qui pâtissent d’une image sociale misérable alors que ce sont deux vraies belles âmes. Nunzio vit dans un pauvre logis aussi déglingué que lui ; il est magasinier dans une entreprise de peinture où il a contracté une maladie pulmonaire qu’on devine fatale. Christian Lucas interprète ce vieil enfant sans défense dont la simplicité d’esprit pourrait bien apparaître comme une protection envers la violence du monde. Grand et balaise, encombré de son corps, un éternel sourire accroché à la face, tout en lui contraste avec son ami Pino, petit et rablé, tout de noir vêtu, ombrageux et le geste sec. Christian Abart joue à grands traits de l’être et du paraître, entre le mafioso chargé de mystérieuses missions au Brésil et l’être blessé par une enfance douloureuse qui se répare auprès de cet ami qui le regarde avec les yeux du cœur et ne voit en lui que le type bien. Au cours de cette soirée passée ensemble, ils rêvent des filles, de mer, boivent pour oublier cette vie de chien, chantent pour ne pas pleurer et parce qu’ils sont Italiens, se racontent un peu. On comprend vite combien ils ont besoin l’un de l’autre, Pino s’occupe de Nunzio comme d’un jeune frère un peu benêt qui est perdu sans lui ; Nunzio renvoie à Pino une image rassurante et surtout ils sont l’un à l’autre leur seule famille. La mise en scène de Thierry Lutz guigne du côté de l’Italie des comédies cinématographiques tragi-comiques des années 50-60. On retiendra surtout l’admirable interprétation de Christian Lucas qui est un Nunzio bouleversant.

Nunzio de Spiro Scimone, mise en scène de Thierry Lutz avec Christian Lucas et Christian Abart. Au théâtre du Lucernaire jusqu’au 11 septembre 2010 à 19h. Tel : 01 45 44 47 34. Durée : 1h10.

Les pièces de Spiro Scimone sont publiées aux éditions de L’Arche

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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