Paris - Théâtre de l’Odéon

L’affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche

Le classicisme pépère de Jérôme Deschamps

L'affaire de la rue de Lourcine d'Eugène Labiche

La situation est un classique du genre : un matin, monsieur Lenglumé, bon bourgeois rangé, se réveille avec une sérieuse gueule de bois et à ses côtés, dans son lit, un homme qu’il ne connaît pas. Les vapeurs d’alcool de la veille dissipée, il lui revient qu’il s’était éclipsé en catimini de sa femme pour aller banqueter, un peu trop, avec les copains. Un article de journal trop vite lu et des indices mystérieux trouvés dans leurs poches convaincront les deux noceurs que, victimes de leur état de beuverie, ils ont assassiné une pauvre charbonnière rue de Lourcine.

De quiproquos en malentendus, au milieu des claquements de porte et des gloussements variés, les deux complices vont vivre un enfer où tout les accuse et où ils croient se rendre coupables de nouveaux crimes jusqu’à ce qu’enfin, la vérité rétablie les libère de ce cauchemar et qu’ils réalisent que rien de tout cela n’était vrai.

Vaudeville classique

Dans ce décor bourgeois étouffant aux allures de bonbonnière, tout se déglingue. Monsieur Lenglumé, en proie à ses fantasmes, perd le nord au point de s’envisager sans sourciller comme un assassin. Tout contribue à souligner le processus intérieur qui conduit les personnages au seuil de la folie. Et c’est justement là que la mise en scène pousse le trait un peu loin, se laissant prendre au jeu du système qui s’emballe au détriment d’une plus grande attention portée aux personnages malgré la pertinence du point de vue. Car il ne s’agit pas seulement de faire rire mais de révéler sous le vaudeville la critique un peu acide de la bourgeoisie. Barricadée dans ses intérieurs cossus, celle-ci se croit à l’abri de la rue et de ses menaces sans compter qu’une intrusion par effraction dans la chambre intérieure des fantasmes est toujours possible.

Après Une méchante vie d’Henri Monnier assez raté et son florilège de caricatures vides de sens, Jérôme Deschamps s’empare de ce Labiche avec un point de vue empreint d’un classicisme pépère alors qu’on aurait pu attendre un regard plus décalé, plus moderne sur ce théâtre de boulevard à l’instar de certaines mises en scène de Feydeau revisité heureusement par Lukas Hemleb, Didier Bezace ou plus récemment par Laurent Laffargue.

En lever de rideau, un courte pièce de Courteline, Vingt-six, aussi brève qu’hilarante, met en scène un duo de poivrots épatants (avec Jérôme Deschamps certains soirs). A l’heure où Jérôme Deschamps s’apprête à succéder à Jérôme Savary à la direction de l’Opéra comique, on se plaît à espérer que cette nouvelle responsabilité donnera à la compagnie un nouveau souffle.


L’affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche, mise en scène Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, avec Luc-Antoine Diquéro, Arno Feffer, Dominique Parent, Lorella Cravotta, Marie-Christine Orry, Pascal Ternisien, Jean-Claude Bolle-Reddat, Nicole Monestier, Philippe Leygnac, Pascal Le Pennec. A 20h. Réservation : 01 44 85 40 40.

Photos : ©Pascal Victor/Odéon-Théâtre de l’Europe

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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