L’Enfant que j’ai connu d’Alice Zeniter

Anne Rotger, une sacrée comédienne

L'Enfant que j'ai connu d'Alice Zeniter

Nathalie Couderc sort du tribunal où un non-lieu vient d’être prononcé après deux ans de procès pour juger le policier qui a tué Cédric, son jeune fils, lors d’une manifestation. C’est une furie qui déboule sur la scène, interprétée par Anne Rotger, sanglée dans un grand imperméable mastic, lunettes noires sur le nez. Elle persiste et signe sa déclaration provocante qui a déclenché indignation et émeutes : « je ne pensais pas que la police pouvait tuer des enfants blancs », une manière de dire notre conditionnement, dire qu’on se croit à l’abri quand on n’est ni noir, ni arabe, ni gosse de banlieue pourrie et qu’on se retrouve complice de cette police qui protège les nantis économiques et/ou sociaux. Sur la demande du metteur en scène Julien Fišera, Alice Zeniter a écrit un texte court et dense fondée sur l’histoire de Cédric Herrou accusé en 2015 de faire passer la frontière à des migrants dans la vallée de la Roya. Le texte d’Alice Zeniter prend à bras-le-corps la question de la violence du verdict : « Non-lieu, non-événement, non-advenu », et ici le problème des « bavures » (quel mot horrible !) policières. Nathalie Couderc l’éprouve comme une injustice et une déchirure ; elle aurait voulu un vrai procès, non pas pour punir mais pour comprendre. Comprendre le meurtre mais aussi son fils Cédric qu’elle ne reconnaît pas dans ce qui en est dit par la justice. Plus qu’un deuil, elle vit le chemin douloureux qui la conduit à la rencontre de ce fils qu’elle croyait connaître. Elle note au passage qu’il n’y a pas de mot pour désigner un parent qui perd son enfant. Peut-être parce que c’est de l’ordre de l’inconcevable.
Sur scène, des sacs de course en papier dans lesquels la comédienne puise des vêtements, des objets grâce auxquels elle élabore son deuil, selon le terme psychanalytique, du chagrin maternel ravageur à la révolte politique. Dans ce parcours intérieur intime, elle rejoint la vérité de son fils, comprend et adhère à son action. Anne Rotger est impressionnante, comme dévastée par l’incandescence qui brûle Nathalie Couderc, menacée à chaque pas de sombrer dans la folie à laquelle elle résiste grâce à la vitalité de sa colère et à l’amour qu’elle porte à son fils.

L’Enfant que j’ai connu} d’Alice Zeniter. Mise en scène Julien Fišera. Lumières Jean-Gabriel Valot. Costumes Benjamin Moreau. Regard chorégraphique, Thierry Thieu Niang. Avec Anne Rotger. A Paris, Théâtre de la ville/Espace Cardin jusqu’au 21 octobre. Durée : 1h05. www.theatredelaville-paris.com © Simon Gosselin

Tournée
Le 16 février 2023 aux Bords de Scènes – Grand-Orly Seine Bièvre
Du 9 au 10 mars 2023 à l’Aghja, Ajaccio
Le 12 mars 2023 à La Fabrique Théâtre – Site européen de création, Bastia}}

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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