Je reviens de loin de Claudine Galéa
Au coeur de l’intimité
Camille a brusquement quitté son mari Marc et ses deux enfants Paul et Lucie, sans explications. Elle a choisi l’invisibilité pour des raisons que l’on ignore. La voix intérieure de Camille conduit ce récit à la première personne ; elle se souvient, fantasme, rêve la vie de ceux qu’elle aime, imagine comment chacun vit l’épreuve de son absence.
La mise en scène de Sandrine Nicolas transcende les fragilités d’un texte parfois un peu mièvre. Elle ouvre un espace mental, nous fait entrer dans l’intimité de la pensée de Camille où le temps ne se conjugue plus, où les personnages flottent entre réalité et apparitions fantomatiques. Par un jeu de miroirs sans tain, ils se démultiplient sous les yeux de Camille qui est ailleurs, là-bas, au bout du ponton, face à la mer.
Le spectacle se structure autour de thèmes récurrents (la maison, le retour), de mouvements musicaux ; des séquences reviennent, comme un refrain. La voix profonde de la contrebasse de Théo Girard accompagne avec sobriété cette songerie fragmentée, traversée de propos bien réels en voix off. La poésie s’avère la substance même du spectacle ; elle nous promène dans des espaces sonores et visuels, « dans une esthétique entre ombre et lumière, en référence à L’Éloge de l’ombre de Junichirô Tanizaki ».
Françoise Gillard est une Camille à la fois évanescente et incarnée. Le mari (Pierre-Louis Calixte) et les enfants (Léa Lopez et Adrien Simion) sont montrés du côté du réel, tout à leur désarroi et à leur douleur et pourtant jamais dans un registre réaliste. Mais voilà, qu’au détour d’une phrase, d’un coup de théâtre à bas bruit, d’un renversement inattendu qu’on ne révélera pas, le récit de Camille se reconfigure, prend un sens nouveau, s’obscurcit et s’éclaire à la fois.
Le spectacle s’achève joliment avec Septembre, la belle et mystérieuse chanson nostalgique de Barbara : « Jamais la fin d’été n’avait paru si belle./Les vignes de l’année auront de beaux raisins/On voit se rassembler, au loin les hirondelles/Mais il faut se quitter./Pourtant, l’on s’aimait bien. »
Je reviens de loin de Claudine Galéa. Mise en scène Sandrine Nicolas. Avec Françoise Gillard, Pierre-Louis Calixte, Léa Lopez, Adrien Simion. Scénographie et costumes, Aurélie Thomas. Lumières, Charlotte Poyé. Musique originale, Théo Girard. Son, Julien Reboux. Travail chorégraphique, Ingrid Estarque. Au Studio de la Comédie-Française jusqu’au 29 octobre 2023 à 18h30. Durée : 1h30.
Je reviens de loin est publiée aux éditions Espaces 34 et représentée par L’Arche – agence théâtrale.
© Christophe Raynaud de Lage