Paris- Théâtre Marigny-Robert-Hossein jusqu’au 20 juillet 2009

Talking heads d’Alan Bennett

Trois histoires grinçantes

Talking heads d'Alan Bennett

Quelle bonne idée que cette reprise du spectacle de Laurent Pelly, créé en 1993 au Théâtre Paris-Villette avec les mêmes trois comédiennes formidables Christine Brücher, Nathalie Krebs et Charlotte Clamens. Seule variante, le choix des textes de l’Anglais Alan Bennett, extraits de son ouvrage Talking heads traduit par Jean-Marie Besset sous le titre Moulins à paroles qui met en scène sept monologues absolument réjouissants. Ce qu’on aime chez Pelly c’est l’esprit de finesse qui préside à ses mises en scène, allié à une rigueur et une précision absolues. Son style s’accorde à merveille avec celui d’Alan Bennett. Il procède par petites touches, une succession de séquences courtes, d’instantanés qui isolent à chaque fois un fragment d’intérieur mais jamais la pièce entière : les toilettes d’une entreprise, un fauteuil et le sapin de Noël d’un hôpital, le seuil d’une maison, le vestibule, etc. Christine Brücher (dont on se dit à chaque fois qu’on la voit sur scène qu’elle se fait trop rare) ouvre le bal avec Une femme sans importance, une petite chronique de la vie de bureau comme elle va, avec ces commentaires sur les collègues, sur la machine à café, la cantine et ces « i’ m’fait, j’lui fais », ponctués d’invariables « qu’est-ce qu’on a ri ! ». Au fil de ce portrait moqueur d’une Anglaise tout ce qu’il y a de moyen, on découvre la solitude d’une femme rejetée de tous, qui se retrouve brutalement à l’hôpital pour longue maladie, mais continue de rire avec les infirmières. Puis, voici le portrait d’une banlieusarde sans histoires (Nathalie Krebs) qui nous raconte, tout en lavant la vaisselle ou en faisant couler son bain comment elle s’est liée d’amitié avec sa voisine qui a assassiné son mari. Enfin, Charlotte Clamens nous fait pénétrer dans l’univers étrange de Mlle Fozzard, vendeuse dans un grand magasin qui pour l’heure garde son frère hémiplégique, et vit une aventure extravagante avec un podologue très spécial. Alan Bennett croque avec un humour so british ces portraits de femmes sans importance, qui s’expriment dans une langue impeccable, cribblée d’amusants tics populaires. Mais l’émotion se glisse entre les mots, révélant fugitivement le tragique de ces petites existences sans avenir. Pour ne pas céder au vertige du vide et créer l’illusion de la vie, elles moulinent de la parole à l’infini. Un spectacle délicieusement méchant.

Talking Heads d’Alan Bennett, mise en scène Laurent Pelly Joël Adam (Lumières) , Aline Loustalot (Création son) , Agathe Mélinand (Dramaturgie) , Laurent Pelly (Costumes) , Chantal Thomas (Décors) Natacha Le Guen (Assistante à la scénographie), Suzanne Pisteur (Maquillage). Avec Christine Brücher, Nathalie Krebs et Charlotte Clamens. Au théâtre Marigny de mardi au vendredi à 20h30, samedi à16h et 21h. Durée : 2 heures. Tel. 0892 222 333

Production Théâtre national de Toulouse.

Texte édité chez Actes-Sud

A lire du même auteur le récit des amours clandestines de la reine d’Angleterre pour la littérature, un vrai régal, La Reine des lectrices, Denoël, 2009.

crédit photo : Brigitte Enguérand

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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