Paris - Théâtre des Bouffes du Nord jusqu’au 20 décembre 2008

La Seconde Surprise de l’Amour de Marivaux

Marivaux converti aux sortilèges des corps

La Seconde Surprise de l'Amour de Marivaux

Il y a un an, le Festival d’Automne présentait aux Amandiers de Nanterre une production née au Théâtre Vidy de Lausanne, un Marivaux pétillant de jeunesse qui semblait tombé de la hotte du père Noël. Cette Seconde Surprise de l’Amour signée Luc Bondy pour la mise en scène vient d’être reprise dans les murs calcinés du plus espace théâtral de Paris, le théâtre des Bouffes du Nord, et c’est à nouveau un cadeau.

Ce qui frappe dans cette approche où l’instinct et les sens dominent les conventions et la raison, c’est la parfaite adéquation liant la langue de Marivaux, si claire, si pure, si musicale au jeu des acteurs si délié, si libre, si charnel. Cela pourrait passer pour un décalage, mais pas du tout, le transfert des mots aux gestes coule de source. Luc Bondy convertit Marivaux aux sortilèges des corps.

Des chaises qui n’en font qu’à leur tête

Chaque détail est peaufiné, confié à des maîtres : décors et lumières imaginés et réglés par Karl-Ernst Herrmann qui est lui-même un metteur en scène majeur dans le monde de l’opéra, costumes de Moidele Bickel, collaboratrice familière de Peter Brook, Patrice Chéreau, Peter Stein... Sur une estrade en fond de scène deux maisons noires qui ressemblent à des jouets de carton glissent sur d’invisibles rails, se rapprochent, s’éloignent, se tournent de l’extérieur à l’intérieur. Celle de la marquise est voilée de deuil, celle du chevalier est nue du chagrin de l’abandon. Au sol, une coulée de cailloux blancs, quelques chaises qui, en temps voulu, n’en feront qu’à leur tête.

Un bonheur de théâtre à consommer sans modération

Clotilde Hesme, la marquise de la création est remplacée par Marie Vialle, délicieusement foldingue, blonde aux frisottis coiffés en pétard. Le reste de la distribution demeure à l’identique avec le chevalier de Micha Lescot, longue silhouette dégingandée aux jambes interminables et au buste corseté dans un veston trop étroit, une sorte de roseau se balançant au gré des battements d’un cœur en fièvre, tour à tour grand gosse boudeur ou soupirant mélancolique. Audrey Bonnet reste la suivante fine mouche, délurée jusqu’à l’effronterie, Pascal Bongard philosophe toujours avec nonchalance, Roger Jendly s’accroche à son vélo et à ses mouchoirs de parodie, Roch Leibovici campe un comte sur le retour, vieux beau pathétique à force de croire en son étoile.

L’ensemble est un pur bonheur de théâtre. A voir ou revoir, à consommer sans modération.

Le Seconde Surprise de l’Amour de Marivaux. Mise en scène de Luc Bondy, décors et lumières Karl-Ernst Herrmann, son André Serré, costumes Moidele Bickel. Avec Marie Vialle, Micha Lescot, Audrey Bonnet, Roger Jendly, Roch Leibovici.

Théâtre des Bouffes du Nord – du mardi au vendredi à 21h, les samedis à 15h30 et 21h

01 46 07 34 50 – www.bouffesdunord.com

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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