Paris, Théâtre 13, jusqu’au 17 octobre

L’Epreuve de Marivaux

Coup double pour la Compagnie Eulalie

L'Epreuve de Marivaux

S’il fallait une preuve que le théâtre est l’art de l’instant, sensible aux influences, aux émotions et à la patine du temps, et s’il en fallait encore une pour démontrer qu’un spectacle, loin d’être une œuvre figée et imperméable aux évolutions extérieures, est une matière merveilleusement vivante, on pourrait convoquer cette Epreuve de Marivaux, joli cas d’école d’une création collective qui n’a cessé de s’enrichir depuis quelques années. Quand les spectateurs l’ont découvert en 2008, au Théâtre de La Luna, dans le cadre du Festival Off d’Avignon après qu’il eut été créé en 2006 au Festival du Mot à la Charité sur Loire par la Compagnie Eulalie, le spectacle se nommait Le Jour de l’italienne. Et L’Epreuve de Marivaux était précisément la pièce que répétait devant nous une troupe de jeunes comédiens, orchestrée par Sophie Lecarpentier, qui jouait là son propre rôle de metteuse en scène.
Nous n’en étions encore qu’à la naissance d’un spectacle plein de charme et d’humour, qui faisait découvrir l’envers du décor et réussissait même à accomplir une œuvre pédagogique en explicitant le vocabulaire propre à l’univers théâtral, comme cette fameuse « italienne »…
L’élaboration des décors et des costumes, l’égo des acteurs, leurs petites manies, leurs travers et leur envie furieuse d’exister pour eux-mêmes dans une aventure éminemment collective, tout cela était abordé avec infiniment de justesse et de justesse. Le public ne s’y était d’ailleurs pas trompé, qui a fait un petit triomphe à ce Jour de l’Italienne, joué plus de 170 fois dans la capitale et en tournée.

Et c’est justement au Théâtre 13, qui l’avait accueilli en mai 2009, que l’on retrouve la troupe réunie autour de Sophie Lecarpentier. Entretemps, la distribution s’est quelque peu modifiée mais elle n’a rien perdu de son homogénéité et de sa vivacité. Cependant, la principale nouveauté tient dans la structure même du spectacle.
Ce qui constituait auparavant Le jour de l’Italienne est désormais un prologue raccourci de L’épreuve, une sorte de making-off comme disent ceux qui maltraitent la langue de Marivaux.
Et le public a désormais droit à l’intégralité de la pièce de Marivaux, comme s’il assistait à la fois à la gestation et à la naissance d’une œuvre théâtrale. Beau travail que de condenser en un peu moins de deux heures ce qui nécessite dans la réalité un long travail de maturation et de répétition, lequel ne se résume évidemment pas aux séances à la table ou aux répétitions. Des badineries des comédiens à la cruauté bien réelle du marivaudage, le spectacle ne cesse de gagner en profondeur au fur et à mesure que les comédiens s’emparent de leurs personnages.

Cette évolution du spectacle se fait sans doute au détriment d’une certaine légèreté –certaines répliques savoureuses ont disparu, ce que ne regretteront après tout que ceux qui auront vu le spectacle précédent - mais elle permet d’appréhender toute la noirceur de cette épreuve à laquelle Lucidor confronte son amoureuse.
Les illusions s’envolent, la réalité de l’âme humaine apparaît dans toute sa vérité.
Le théâtre, miroir de l’existence : après le Jour de l’Italienne, L’Epreuve vient nous le rappeler. Peut-être avec moins de ménagement mais avec tout autant de pertinence…


L’Epreuve d
e Marivaux, mise en scène de Sophie Lecarpentier. Avec Xavier Clion (Lucidor)
Hélène Francisci (Lisette), Vanessa Koutseff (Angélique), Sophie Lecarpentier (La metteur en scène), Solveig Maupu (Madame Argante), Emmanuel Noblet ou Stéphane Brel (Frontin)
Julien Saada (Maître Blaise et Nicolas) Création lumière : Orazio Trotta. Création sonore : Sébastien Trouvé. Scénographie Hélène Lecarpentier. Costumes Solveig Maupu. Durée du spectacle 1h55 sans entracte. Théâtre 13, Paris 13e , Métro Glacière (accès par le jardin au 103 A bd Auguste Blanqui ou par la dalle piétonne face au 100 rue de la Glacière). Représentations le mardi, mercredi et vendredi à 20 h 30, le jeudi et samedi à 19 h 30, le dimanche à 15 h 30. Réservations : 01 45 88 62 22. Tarif : 24 € (réduit, 16€). Le 13 de chaque mois, tarif unique à 13 € pour tous.

A propos de l'auteur
Bruno Bouvet

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook