Paris - Théâtre des Champs Elysées - jusqu’au 22 novembre 2008

Cosi fan tutte de W. A. Mozart

A voir sans chichis, à entendre en embrouillamini

Cosi fan tutte de W. A. Mozart

Elégant, respectueux et riche de trouvailles dans le jeu de ses six protagonistes, ce Cosi fan tutte nouveau à voir et à entendre au Théâtre des Champs Elysées, s’il ne comble pas toutes les attentes, n’en reste pas moins d’un très honnête cru. Par la qualité de ses jeunes interprètes, par sa mise en scène qui sert l’œuvre avant de se servir. Et par l’œuvre elle-même, la plus complexe, la dernière et la plus passionnante de la fameuse trilogie Mozart/Da Ponte, née après Les Noces de Figaro et Don Giovanni, comme un ultime pied de nez aux hypocrisies des bien pensants.

Un chef d’œuvre de clairvoyance que traverse une fois de plus le thème de la liberté. Liberté d’être, liberté d’aimer, liberté de la tête, liberté du corps. L’histoire qui à première vue pourrait se résumer à une mauvaise farce sur fond de jeu de dupes n’en finit pas d’ouvrir des méandres sur l’inconscient. Elle est si dérangeante que, durant tout le 19ème siècle, elle fut carrément mise à l’index des choses recevables, oubliée, enterrée et il fallut attendre le début du 20ème siècle pour que Richard Strauss, personnalité reconnue pouvant braver les tempêtes pudibondes, remit le joyau dans son écrin de musique et de lumière.

Ce je ne sais quoi d’étrange qui fait palpiter la peau

Cosi fan tutte ! Elles le font toutes ! Toutes les mêmes ! Frivoles, incapables de fidélité… Un vieux cynique parie que les fiancées de ses deux amis succomberont comme toutes les autres, et organise avec eux un jeu de dupes… dont ils seront les premiers dupés. Soit disant partis à la guerre, ils abandonnent leurs promises effondrées de chagrin mais reviennent, déguisés et méconnaissables, pour leur faire une cour effrénée. Les premières larmes essuyées, la curiosité, l’attrait de l’exotisme et ce je ne sais quoi d’étrange qui fait palpiter la peau, les feront céder. A la manière d’une partie carrée, l’une se trouvant, à son insu, dans les bras du fiancé de l’autre… Et que tombent alors les illusions d’amours idéales et d’amitié indissoluble… Quand le simulacre est levé, il est trop tard… La vie ne sera plus jamais celle dont ils et elles avaient rêvé…

Un premier degré allègre au goût de farce

Eric Génovèse, sociétaire de la Comédie Française n’a pas eu peur de s’attaquer pour sa première mise en scène lyrique à une œuvre aussi complexe. Plutôt que de se perdre dans les dédales tortueux des relectures et des transpositions il a préféré, semble-t-il, la ligne droite. Un parti pris de clarté, une sorte de premier degré allègre au goût de farce dont les subtilités reposent entièrement sur le jeu des acteurs/chanteurs. Un jeu très physique où les corps culbutent, se frôlent, bondissent, s’enlacent…, où Ferrando et Guglielmo, les deux fiancés se dépatouillent comme de gros nigauds pris au piège de leur propre embuscade, où Dorabella et Fiordiligi, les deux sœurs ont des spontanéités d’adolescentes. Ils font rire et ces rires s’accordent bien à l’esprit mozartien, même quand la mélancolie lui tisse une chambre d’échos. Décors, costumes et lumières se conjuguent sur le même ton, en pastels dégradés et ombres chinoises.

Les dons magnifiques de Luca Pisaroni

En Guglielmo faussement naïf, le baryton basse Luca Pisaroni confirme ses dons magnifiques révélés notamment dans le rôle de Leporello du Don Giovanni de l’Opéra National de Paris, en Ferrando Paolo Fanale n’a pas atteint la plénitude de ses moyens mais laisse entendre quelques belles promesses, Pietro Spagnoli campe un Don Alfonso élégant et parfaitement en voix ce qui est assez rare dans ce personnage qui parle autant qu’il chante, Jaël Azzeretti injecte une irrésistible verve à Despina, la mezzo soprano israélienne Rinat Shaham encore peu connue en France révèle un timbre chaleureux et coloré. Pour Fiordiligi, Veronica Cangemi, la plus attendue de la distribution, en revanche déçoit : sa fraîcheur naturelle, sa musicalité n’ont pas suffi pour venir à bout des difficultés d’une partition remplie d’embûches.

Spinosi maillon faible

Jean Christophe Spinosi, à la tête de l’Ensemble Matheus, ne facilité guère, il est vrai, le travail des chanteurs, leur imposant des tempos tantôt au ralenti tantôt pris d’accélération fiévreuse. Ce sympathique jeune chef rompu au répertoire baroque n’a pas su trouver ici l’équilibre dû à Mozart. Menant tantôt son orchestre à la cravache puis le bridant avec la même énergie brouillonne, il constitue le maillon faible de la production.

Cosi fan tutte de W.A. Mozart, livret de Lorenzo Da Ponte par l’Ensemble Matheus, direction Jean-Christophe Spinosi, chœur du Théâtre des Champs Elysées, mise en scène Eric Génovèse, décors Jacques Gabel, costumes Lisa Spinatelli, lumières Olivier Tessier. Avec Veronica Cangemi, Rinat Shaham, Jaël Azzeretti, Paolo Fanale, Luca Pisaroni, Pietro Spagnoli.

Paris - Théâtre des Champs Elysées, les 12, 14, 18, 20 et 22 novembre à 19h30, le 16 à 17h.

01 49 52 50 50 – www.theatrechampselysees.fr

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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