Paris-Théâtre Antoine

César, Fanny, Marius d’après Marcel Pagnol

Le petit monde de Pagnol

César, Fanny, Marius d'après Marcel Pagnol

C’est sur les conseils d’un proche que Marcel Pagnol entreprend d’écrire une pièce dans le cadre de ses souvenirs d’enfance, Marius (1929). Avant il y avait eu le succès d’estime des Marchands de gloire (1925) et le triomphe de Topaze (1926). Marius fait immédiatement un malheur ce qui fit que Pagnol se trouva à l’affiche de deux succès théâtraux simultanément. L’équipe d’acteurs de Marius a contribué a immortalisé la pièce d’autant plus que ce sont les mêmes qui, selon le souhait de Pagnol, tournèrent dans le film en 1931. Au point qu’on a pu dire parfois que Pagnol devait son succès à ses interprètes : Raimu (César) Pierre Fresnay (Marius), Orane Demazis (Fanny), Paul Dullac (Escartefigue), Fernand Charpin (Panisse), Robert Vattier (monsieur Brun), Alida Rouffe (Honorine). Il faut dire que rarement l’identification entre acteur et personnage a aussi bien fonctionné, rendant toute entreprise ultérieure périlleuse. C’est aussi sur les conseils d’un proche que Pagnol a écrit la suite, Fanny (1931) et César (1946), qui n’était pas du tout prévu initialement. Mais voilà, il fallait contenter le public qui brûlait de connaître ce qui allait advenir de Marius et de Fanny. Le ton a beau être celui de la comédie écrite dans une langue savoureuse à la Audiard, chantante et joliment imagée, l’histoire frise parfois le mélodrame.

« Tu me fends le cœur »

Marius, le fils de César, propriétaire du Bar de la marine, est un charmant jeune homme qui répondrait bien à l’amour de la jeune Fanny si un autre amour, impétueux et intransigeant ne l’en empêchait, la mer. Peu de temps avant son départ, il cède pourtant au charme de Fanny qu’il abandonnera pour répondre aux sirènes l’invitant au voyage et courir les mers en quête d’ailleurs. Mais voilà Fanny enceinte, obligée de céder à la demande en mariage moulte fois réitérée de maître Panisse, de plus de 30 ans son aîné. Pagnol a brodé autour de ce fil conducteur quelques scènes de comédie inoubliables telles que la partie de cartes et son légendaire « tu me fends le cœur ». On ne connaîtra pas toute l’histoire car Francis Huster n’a repris que Marius et une partie de Fanny, s’arrêtant avant le retour de Marius. Le titre choisi fait référence aux noms des principaux personnages et non aux pièces elles-mêmes. Mais l’ensemble ainsi conçu tient le coup même si cela manque parfois d’éclat dans les réparties et de soleil dans la voix. Quand parfois l’accent ne coule pas de source, l’artifice affleure qui gâte un peu l’impression générale. Les acteurs assurent la relève des anciens plus qu’honorablement. Jacques Weber peut libérer à loisir son goût de l’exubérance. Il est un César bourru et bonhomme, excessif comme on l’attend, tonitruant et râleur, gentil comme le bon pain. Il en fait « trop » à bon escient, réussissant brillamment l’épreuve de la partie de cartes, presque aussi délicate que celle du « petit chat est mort ». Stanley Weber trouve souvent le ton juste, doux rêveur inconscient, un peu lâche. La petite brunette Hafsia Herzi, originaire de Marseille, (on a pu la découvrir dans La graine et le mulet Abdelatif Kéchiche) fait ses premiers pas au théâtre. Elle est une Fanny touchante, proche de l’enfance.

On doit l’interprétation d’Escartefigue, gentil ballot qui rit tout le temps, sauf de ses cornes de cocu, à Urbain Cancelier. Un régal tout comme son opposé, le timide Monsieur Brun (Eric Laugerias). Quand à Honorine, la mère de Fanny, qu’on attendait en poissonnière épanouie, elle est interprétée avec grâce et élégance par Charlotte Kadi. Si Francis Huster a réussi une mise en scène fidèle à l’esprit tout en prenant ses distances avec celle de Pagnol, on regrettera qu’il ne se soit pas dispensé d’interpréter Panisse ; il n’y a probablement pas un rôle dans tout le répertoire plus éloigné de sa nature. Le beau décor de Thierry Flamand restitue toute l’ambiance du bar de la marine, centre de gravité de la trilogie, qui fleure bon le pastis et les embruns, avec trois mats en arrière-plan.

César, Fanny, Marius d’après Marcel Pagnol mise en scène Francis Huster, avec Francis Huster, Jacques Weber, Hafsia Herzi, Stanley Weber, Urbain Cancelier, Charlotte Kady, Eric Laugerias, Jean Pierre Bernard, Arnaud Charrin, Lisa Masker, Benjamin Nissen, Fabrice Darzen, Serge Esposito, Serge Spira. Ecor Thierry Flamand, costumes Pascale Bordet, lumières Nicolas Copin, musique, Dominique Probst. Au théâtre Antoine, du mardi au vendredi à 20h, samedi 16h et 20h30, dimanche 15h30. Tel : 01 42 08 77 71. Durée : 3h10.

Crédits photo : Benoit Jeannot

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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