Versailles. Théâtre Royal

Atys de Jean-Baptiste Lully

L’absolue perfection d’une oeuvre et d’un lieu

Atys de Jean-Baptiste Lully

La production mythique signée en 1987 par William Christie et Jean-Marie Villégier trouve son juste cadre au Théâtre Royal de Versailles . Après les séries de représentations à l’Opéra Comique de Paris, (voir la critique du 17 mai 2011 de Caroline Alexander), à Bordeaux, et à Caen – résidence des « Arts Florissants »-, et avant son départ pour les U.S.A., la recréation de la production d’ Atys a fait une halte pour trois représentations au Théâtre Royal de Versailles dans le cadre du festival « Venise- Vivaldi- Versailles ».

C’est Louis XIV lui-même qui avait voulu dès 1670 que Versailles disposât d’un théâtre lyrique et il en avait même prévu l’emplacement, totalement intégré au Palais. Cependant le théâtre ne fut construit que quelques décennies après sa mort et fut inauguré en 1770 lors du mariage du Dauphin (futur Louis XVI) avec Marie Antoinette d’Autriche. Le théâtre fut très peu utilisé pendant plus de cent cinquante ans, les quelque trois mille bougies nécessaires à chaque représentation supposaient une dépense non négligeable. En fait, bien qu’il ait accueilli le Sénat de 1957 jusqu’à nos jours il est resté en très bon état. La seule modification d’importance effectuée depuis son origine a été l’installation de l’éclairage électrique.

Une merveille à visiter. C’est bien dans sa luxueuse sobriété que Louis XIV aurait aimé voir et revoir Atys, dit « l’opéra du Roi Soleil » car c’était son opéra préféré, et il en avait admiré maintes représentations au château de Saint Germain en Laye depuis sa création en 1676.

La production de Villégier et Christie tenait donc à l’évidence son cadre idéal dans le Théâtre Royal pour les raisons historiques évoquées. Mais il fait ajouter que la mise en scène se situe dans un palais et que, bien loin des figurations scéniques du XVIIIème siècle, Jean-Marie Villégier a souligné une rigueur qui rappelle celle de Madame de Maintenon durant les dernières années de Louis XIV. En témoignent la sobriété et l’étendue de la palette de gris des décors et des costumes.

Le public versaillais, acquis à la cause, adouba la production

Il n’était donc pas évident que le public versaillais adoubât une telle vision des choses. Fi des machineries complexes et spectaculaires, fi des riches parures et des décors éblouissants des productions que l’on a pu voir notamment dans les reproductions des documents de l’époque. Un décor sobre en noir et argent, certes riche et élégant –signé Carlo Tommasi-, des costumes (et des perruques !) –signés Patrice Cauchetier- sublimes mais sombres comme il convenait aux usages de la cour de fin de règne. In fine le public se montra dès le début de la soirée bien en résonance avec les choix du metteur en scène et, enthousiasmé, accorda plus de quinze minutes de « standing ovation » très serrée aux artistes à la fin de la représentation.

Un plateau d’artistes convaincus et convaincants

La dizaine de représentations effectuées par la troupe depuis la première à l’Opéra Comique a permis un rodage conséquent des gestes et des voix, et donc son arrivée à Versailles marque le sommet de la production : la perfection. Inutile de chanter les louanges des Arts Florissants - époustouflants une nouvelle fois de précision et de « sens du dramatique »-, ou des chœurs –conduits par François Bazola-, inclassables, ou encore des solistes : Bernard Richter glorieux héritier de Guy de Mey et de Howard Crook dans le rôle titre, Emmanuelle de Negri la grâce personnifiée dans le rôle de Sangaride, ou encore Nicolas Rivenq, déjà Célénus en 1987, bien plus convainquant ici qu’à l’Opéra Comique ou à Bordeaux. On a pu remarquer dans le personnage de Cybèle, la présence d’Anna Reinhold, en lieu et place de Stéphanie d’Oustrac.

Certes son accent est impeccable et la clarté de sa diction a permis au public de se passer totalement de sous-titres ; certes la fraîcheur de sa voix humanisait son personnage avant la lettre –la déesse renonce à ses pouvoirs par amour pour le mortel Atys- ; mais il lui a peut-être manqué quelque gravité au moment fatal où elle se désespère « quelle douleur, quelle rage, ah ! quel malheur ! », ou encore d’autorité, lorsqu’elle nous oblige à partager la souffrance de son aimé : « que le malheur d’Atys afflige tout le monde ! ». A Paris et à Bordeaux, Stéphanie d’Oustrac avait rendu ces moments tragiques avec davantage de conviction et d’autorité, mais Guillemette Laurens détentrice du rôle en 1987, demeure toujours la référence à nos yeux.

Les danseurs ont fait aussi partie de la fête

Les danseurs de la compagnie « Fêtes galantes » et de l’Opéra de Paris sous la direction de Béatrice Massin, ont repris avec bonheur le superbe travail de Francine Lancelot. Ils ont apporté grâce, mouvement et équilibre. Leur présence a rehaussé de manière significative les qualités de la production, que ce soit dans les entrées et les intermèdes ou lors de la scène du sommeil d’Atys, très enrichie par rapport à celle de la production de 1987.

Atys, opéra en un prologue et cinq actes. Livret de Philippe Quinault. Recréation de la production donnée en 1987 à l’Opéra Comique de Paris. Orchestre « Arts Florissants ». Ballet « Fêtes Galantes ». Mise en scène de Jean-Marie Villégier. Direction musicale de William Christie. Chanteurs : Bernard Richter, Anna Reinhold, Emmanuelle de Negri, Nicolas Rivenq, Marc Maullion, Sophie Daneman, Jaël Azzaretti, Paul Agnew et autres.

Théâtre Royal de Versailles les 14,15 et 17 juillet 2011.

01 30 83 78 89 - http://www.chateauversailles-spectacles.fr

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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