Very british

• Publié par Pierre-René Serna
• 8 février
• Critiques
• Opéra & Classique
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LE THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES EST VERSÉ, pour le meilleur, dans les opéras de Haendel. C’est ainsi qu’après une dizaine de spectacles et une vingtaine de titres en version de concert, vient le tour de Semele. Cet opéra fut toutefois déjà présenté en ce même théâtre (en 2004, repris en 2010, dans la production scénique David McVicar). Il s’agit cette fois d’une nouvelle production confiée à Oliver Mears. Ce dernier est par ailleurs directeur actuel du Royal Opera House Covent Garden depuis 2017. Il signe ici sa première mise en scène à Paris, coproduction avec Covent Garden, créée aux Champs-Élysées et appelée à être reprise dans la maison d’opéra londonienne au début de l’été prochain.

Il faut savoir que Semele est un opéra particulier dans la production de Haendel. Sous-titré « à la manière d’un oratorio », il a la spécificité d’un livret en langue anglaise, comme deux autres de ses opéras, au rebours de sa trentaine d’œuvres opératiques sur un livret en italien ; de rigueur pour les opéras de l’époque à Londres, alors que l’anglais se réservait pour les oratorios bibliques selon les préceptes anglicans – d’où le sous-titre de Semele. C’est ainsi que les partisans du genre oratorio lui reprochèrent d’avoir remplacé les rois d’Israël par des dieux libertins. Et c’est aussi la raison de l’accueil réservé fait à la création de Semele en 1744 à Covent Garden. Puisque la trame, reprise de la mythologie gréco-romaine, campe des histoires d’amours et de jalousies dans la Grèce antique, où l’héroïne divinisée Sémélé est appelée à être sacrifiée par Jupiter, mais ressuscitée par Apollon en guise de happy end.

Autant dire qu’Oliver Mears est ici à son affaire, dans cet opéra-clef du répertoire britannique. Il a cependant choisi de ne pas faire un décorum d’époque (baroque ou de l’Antiquité), mais de situer sa conception scénique dans l’époque actuelle. Entre un pan de mur gris montant et descendant, s’ouvre un grand salon bourgeois (britannique ?) où s’ébattent les personnages secondés d’une armée de domestiques et d’une troupe de collégiens, tous en costumes d’aujourd’hui et agrémentés d’éternelles cigarettes (obligées dans les mises en scène depuis qu’elles sont interdites au public). Le sacrifice de Sémélé aboutit alors calcinée dans la cheminée du salon. Ce genre d’actualisation n’est guère nouveau, mais le jeu théâtral des personnages correspond toutefois bien à l’action du livret.

Colorature

Côté musique, la succession d’arias da capo de structure « A-B-A » nécessite un chant d’une ardente colorature, ici bien transmise. Pretty Yende campe fermement Semele de son beau soprano. Alors que le ténor Ben Bliss figure de son timbre séduisant un Jupiter à la constante et parfaite présence. La Junon d’Alice Coote, le Cadmus de Brindley Sherratt, l’Ino de Niamh O’Sullivan et l’Athamas de Carlo Vistoli complètent avec efficacité la répartition vocale.

Le chœur du Concert d’Astrée (grimé en collégiens) intervient d’une belle énergie. Et l’orchestre de ce même Concert d’Astrée s’épanche vigoureusement dans ses tempos allègres, sous la direction, quelque peu uniforme mais efficace, d’Emmanuelle Haïm. Après Orlando au Théâtre du Châtelet, la saga des opéras de Haendel se poursuit sous un bon augure.

Illustration : photo Vincent Pontet (dr)

Georg Friedrich Haendel : Semele. Pretty Yende (Semele), Ben Bliss (Jupiter), Alice Coote (Junon), Brindley Sherratt (Cadmus), Niamh O’Sullivan (Ino), Carlo Vistoli (Athamas). Oliver Mears (mise en scène). Chœur et Orchestre Le Concert d’Astrée, dir. Emmanuelle Haïm. Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 6 février 2025. Prochaines représentations : 9, 11, 13 et 15 février.