Du 12 au 16 novembre au Théâtre13/ Glacière.

Tchoko de Olivia Mabounga, mis en scène par Ludmilla Dabo.

La belle manière de recouvrer sa liberté en faisant fi des anciens usages.

Tchoko de Olivia Mabounga, mis en scène par Ludmilla Dabo.

Olivia Mabounga n’y va pas par quatre chemins - elle hurle, parle, chante, court et se contorsionne, maîtresse d’elle-même et à l’aise - corps et esprit -, niaque, rage et élan. Elle évoque son temps en auteure et actrice scénique, vivant pleinement au coeur d’une société occidentale mixte, fluide, en mouvement, et qui « bouge » enfin, après un long endormissement aveugle. La société semble en éveil et en alerte, re-visitant volontiers des valeurs désuètes et obsolètes qui ne correspondent plus à l’écoute de notre présent.

Un spectacle enjoué et lumineux à travers le jeu magnifique de l’actrice qui se saisit avec humour de l’obsession des jeunes gens noirs à vouloir éclaircir leur peau, leur mère étant admirative des canons esthétiques occidentaux.

Gloire est une jeune fille qui décide avec ses copines I’m a survivor (chanson célèbre du groupe Destiny’s Child) de se défriser les cheveux et de se tchokoter la peau dans l’espoir de ressembler à son idole Beyoncé. Tchokoter signifie en lingala « s’éclaircir la peau », la « chauffer », en utilisant un produit miracle : un enjeu dérisoire dont l’adolescente fait la condition de sa survie pour trouver sa place dans les modèles américanisés reconnus.

Dans la ville de Pointe-Noire (Congo-Brazzaville), l’auteure-interprète a constaté cette vielle tradition de se dé-pigmenter : soit la création d’archives sonores et visuelles, des pièces vivantes nécessaires à l’écriture de la langue verticale de Tchoko, à la fois sensible et réaliste. Les boutiques de style Afro du côté de Château Rouge à Paris sont évoquées en riant : la scénographie rappelle la caverne d’Ali-Baba de ces salons de beauté ou de coiffure aux robes strass et paillettes à la Byoncé, aux longues chevelures lisses à la Aya Nakamura - piano de perruques de poupées Barbie suspendu dans les airs.

Le spectacle-manifeste met à mal un phénomène tristement contemporain, la dé-pigmentation due à une dualité identitaire contrariée. Convictions intimes, répétitions maternelles obsessionnelles et mémoire douloureuse à fleur de peau, car au racisme et aux discriminations correspond le conditionnement culturel, familial, médiatique, et économique auquel on n’échappe pas.

Un spectacle-performance entre Pop, l’Électronique, le Funk, le R’N’B, et la musique congolaise, proche du concert-live, pour la tragique histoire d’une vision de soi faussée, et le spectacle dé-construit le « corps mal-aimé ».

La parole que la protagoniste assène est drôle, infiniment imagée, juste et percutante, entre rêverie et fantaisie, et l’humour côtoie de près le tragique.
Olivia Mabounga est une performeuse scénique talentueuse, une « QueenBe », à la fois narratrice, chanteuse et danseuse aux chorégraphies malicieuses.

Tchoko, conception, mise en scène Ludmilla Dabo - artiste associée -, texte, initiatrice du projet et jeu Olivia Mabounga, scénographie Clarisse Delile, création et régie lumières Stéphanie Daniel, costumes Mérèndys Martine, composition sonore et musicale Anthony Capelli. Du 12 au 16 novembre 2024, du lundi au vendredi 20h, samedi 18h, au Théâtre 13/ Site Glacière, 103 A bd Auguste Blanqui 75013 - Paris. Le 6 février 2025 à La Halle aux grains, Scène nationale de Blois dans le cadre du Festival Premières Fois.

Crédit photo : Blokaus808

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Véronique Hotte

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