Pina Bausch et le Ballet de l’Opéra de Paris
« Kontakthof » entre au répertoire
Il y eut d’abord de Pina Bausch les entrées au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris en 1997 de sa version du « Sacre du printemps » (un acte de style fondateur sur la partition de Stravinsky ) et en 2005 de son grand opéra chorégraphié « Orphée et Eurydice » sur la musique de Glück.
Est venu le temps pour l’Opéra de Paris d’inscrire à l’affiche de son Ballet une nouvelle œuvre magistrale de la chorégraphe allemande, « Kontakthof », créée en 1978. 21 représentations au Palais Garnier sont donc annoncées pour les fêtes de fin d’année 2O22.
La longueur de cette pièce avec un premier acte de 1h40 et un deuxième acte de 50 minutes, son austérité, certains effets et des scènes répétés en boucle, n’empêchent pas, du moins en France, le public de lui réserver un accueil enthousiaste. :
Une fusion impressionnante s’opère, il est vrai, entre véritable danse et gestuelle théâtrale avec utilisation possible de la parole, le tout au service de la représentation d’hommes (treize danseurs) à la fois humiliés et obsédants et de femmes (treize danseuses) tantôt victimes tantôt dominatrices, les uns et les autres d’une sensualité brulante. Toute l’ambiguïté des relations humaines est ici présente sans fard.
L’espace où la marche est le motif principal, est quadrillé par le déplacement des interprètes : alignés face au public, en deux rangées qui se font front latéralement, ou en file dans la diagonale sur fond d’une musique nostalgique issue d’un collage de chansons populaires et de cabaret allemands des années 1920 et 1930.
La totalité du ballet se déroule dans une salle de bal avec des chaises alignées le long des murs, un piano, des micros, un cheval à bascule et un écran de cinéma. On est dans un lieu de rencontres entre hommes en costumes-cravates gris et femmes en robes soyeuses bleues, jaunes, roses et parfois noires et en talons aiguilles.
Pina Bausch étant décédée en 2009, l’Opéra de Paris a fait appel à diverses personnalités de la danse , en majorité des danseurs et danseuses ayant travaillé avec la chorégraphe, principalement au Wuppertal Tanztheater qu’elle dirigeait depuis 1973, pour remonter « Kontakthof ».Certains se sont partagés la direction des répétitions d’autres la transmission des rôles. Tous sont familiers de l’univers de Pina Bausch.
Les danseurs choisis pour interpréter ce ballet sans livret sont, à l’exception d’une Etoile, Germain Louvet et d’une Première danseuse Eve Grinsztajn, des Sujets, des Choryphées et des Quadrilles. Les voilà sortis de l’anonymat du Corps de Ballet.
Le spectateur a tout le loisir de se familiariser avec chacun d’entre eux dès le début de « Kontakthof ». Un par un ou par petits groupes, ils s’avancent sous les feux de la rampe jusqu’à ce que toute la compagnie soit présente. La version qui nous est dansée par le Ballet de l’Opéra de Paris, de ce « cabaret des passions » est sous le signe de la jeunesse, de la technique impeccable, et des alignements parfaits. Les travers et les cruautés de ces hommes et femmes mis en scène sont peut être moins soulignés. Pourquoi pas ?
Palais Garnier jusqu’au 31 décembre 2022.
© Julien Benhamou