Nous revivrons de Nathalie Béasse au Théâtre de la Bastille.

Sentir la matière et s’éprouver soi-même dans une nature à préserver.

Nous revivrons de Nathalie Béasse au Théâtre de la Bastille.

Deux hommes et une femme. Des jeux, des histoires entremêlées, dont celle du Sauvage, patient défenseur de la nature, qui replante les arbres quand les hommes les arrachent.

S’inspirant librement de L’Homme des bois d’Anton Tchekhov, un brouillon d’Oncle Vania, Nathalie Béasse profite de l’inachèvement du texte, de ses incertitudes, pour déployer un monde de profondeur humaniste et d’affinités multiples dont celle de l’écoute de la nature.

Articulant avec une grande respiration intérieure les émotions mises en majesté, le spectacle se compose des éléments du plateau : le corps des acteurs pleinement engagés d’abord - Mehmet Bozkurt, Soriba Dabo et Julie Grelet -, les objets, la musique, les silences... Un théâtre organique d’enfance. Les acteurs du spectacle ont bénéficié, grâce à la Comédie de Colmar et le Théâtre National de Strasbourg, du programme 1er acte qui soutient la visibilité des jeunes issus de la diversité sur les plateaux de théâtre.

Nathalie Béasse privilégie d’habitude l’idée de troupe. Elle n’en a pas moins oeuvré, pour Nous revivrons, à une aventure scénique née de rencontres nouvelles autour d’un texte et d’un auteur, dans la contrainte de travailler dans des lieux atypiques.

C’est un spectacle-mémoire pour la conceptrice, une oeuvre-souvenir tchekhovienne : la famille, la solitude, les non-dits, l’existence, la relation à l’autre, à la nature et à l’état de la planète. Une installation façon arts plastiques, à travers les interprètes-passeurs d’un texte déconstruit, désacralisé mais fidèle - un moment sensoriel, physique, pictural plus que verbal et intellectuel.

Sur la scène, une fresque à nu, atemporelle, un mur horizontal et blanc d’encadrement, du côté du lointain, paroi blanche lumineuse, avec sur le sol, quatre tapis, trois projecteurs, deux ventilateurs pour des leitmotivs scéniques - courses, chutes, batailles, présence de la matière - eau et terre.

Des feuilles transparentes de matière plastique, molles et flexibles, sont l’objet d’une soufflerie joueuse, ersatz de présences fantomatiques libérant une impression de brume, un masque dont s’amusent les trois acteurs, et qui vient recouvrir leur visage. Une impression de vie qui va et vient - inspiration et respiration -, et de légèreté évanescente, la délicatesse de l’existence.

Les trois interprètes sereins sont dirigés avec un tact précis, forts d’une belle présence scénique irradiant l’espace, à la fois pleins de réserve et expansifs, taiseux et volubiles - ils déclinent leur identité, s’adressent au public, et s’échangent le verbe tchekhovien, entre les différentes figures.

Et l’un s’emploie à scier une planche de bois, symbole d’une vie végétale à sauvegarder, à préserver, à respecter, à travers des gestes hérités : « …tandis que vous bois, croissez continûment dans la lourde solitude des rois. » (Raymond Queneau, « Bois », Les Ziaux. )

Et les convictions énoncées sont claires et éloquentes ; « Tout doit être splendide chez les gens : le visage, le vêtement, l’âme et la pensée… (...) Vous m’êtes infiniment chère (...) mais voilà qu’enfin j’ai trouvé ma petite lumière (...) L’amour, ce n’est pas tout dans ma vie( …) Il n’est pas de réponse plus haute pour celui qui travaille, qui lutte, qui souffre… » (L’Homme des bois - traduction de Françoise Morvan et André Markowicz).

Des seaux de terre sont jetés à la figure, des verres d’eau lancés, chacun devient facétieux en jouant avec les éléments, pour s’éprouver soi-même. Et les corps qui courent sur place, s’amusent de leur ombre respective projetée sur le mur blanc, ou bien ils avancent et reculent à souffle court et perdu, mais dépliant avec ampleur jambes et bras, et chutant finalement.

Entre vagues, envols de musiques et plages de silence, s’installe un théâtre de sensations et d’émotions, de résurgences enfantines et de souvenirs, par le biais de l’urgence écologique - la carte géographique peinte à vue dénonce la disparition de la forêt. Un retour existentiel à soi.

Nous revivrons, spectacle inspiré de L’Homme des bois d’Anton Tchekhov, mise en scène de Nathalie Béasse. Avec Mehmet Bozkurt, Soriba Dabo et Julie Grelet. Du 6 au 14 mars 2023 à 20h, du 15 au 27 mars à 19h, du 28 au 31 mars à 20h, relâche dimanche et jeudi 9 mars, au Théâtre de la Bastille. 76, rue de la Roquette 75011- Paris. Tél : 01 43 57 42 14, www.theatre-bastille.com
Crédit photo : Nathalie Béasse.

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Véronique Hotte

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