Au Théâtre Nanterre-Amandiers, du 16 janvier au 2 février 2025.
Nos âmes se reconnaîtront-elles ?, texte et mise en scène de Simon Abkarian.
Hélène et Ménélas, deux destins tragiques à jamais inconciliables.
Simon Abkarian est l’auteur d’un triptyque sur les impossibles retrouvailles entre Hélène et Ménélas, après la guerre de Troie. L’occasion de poser encore, et à n’en plus finir, la question de l’amour. Après Ménélas Rebetiko Rapsodie et Hélène après la Chute, vient Nos âmes se reconnaitront-elles ?
Dans un monde en guerre, Hélène et Ménélas, des figures emblématiques tragiques, se révèlent à elles-mêmes - fantômes se ré-appropriant la parole et le théâtre. L’auteur, metteur en scène et acteur joue le rôle de Ménélas, aux côtés de la lumineuse Marie-Sophie Ferdane, tragédienne dans l’âme.
Soit une mise en majesté du récit antique, ré-investi comme à contre-pied à travers un dialogue sensuel et érotique. Hélène n’adhère plus à la poigne masculine, mais à la sienne seule - humanité et reconnaissance féminine.
« … Briques, pierres et poutres tombent, Comme tombe une forêt entière. Sous le choc de la hache la fresque qui surplombe la porte des princes, Se brise, s’écroule et s’éparpille en une myriade d’éclats… » ( Nos âmes se reconnaîtront-elles ?, de Simon Abkarian, Actes Sud-Papiers)
Chute de Troie, destruction de la ville rasée par les Grecs, incendie et décombres : images délétères et danses macabres qui sont hélas réactualisées dans la marche de nos conflits actuels qui balafrent le monde.
Or, les sentiments contrariés n’en finissent pas de meurtrir les deux héros. Et ces âmes blessées convergent l’une vers l’autre dans de noires ténèbres : Hélène meurtrie par la mort de Pâris et Ménélas rêvant de reconquérir cette aimée inapprochable.
La guerre est pour le concepteur un révélateur qui, traversant les ombres de l’enfer d’une ville détruite, pourrait peut-être conduire les hommes vers plus de lumière - douteuse éclaircie rêvée -, en fait, un voeu pieux, une illusion impossible et irréelle, car la paix dans le monde relèverait plutôt de l’utopie.
A cour, sur un promontoire, se tient un second duo scénique, les musiciens kurdes Ruşan Filiztek et Eylül Nazlier - aussi chanteuse -, qui représentent les voix secrètes des personnages. Avec les instruments et la voix, ils ouvrent à une résonance poétique autre des récits de guerre, d’exil et de séparation.
Des morceaux des chants de troubadours, selon le chanteur et instrumentiste Ruşan Filiztek : des Dengbêj en turc chantés ici en langue kurde, qui auraient pu être chantés aussi en ukrainien, en russe, en arabe, en hébreu, en turc.... En résonance avec la situation explosive au Moyen-Orient et ailleurs - Kurdes, Arabes et Ukrainiens - tous les peuples en souffrance.
C’est cette douleur suscités par les affrontements - conflits armés, hostilités, offensives… -, qui résonne de tout son voile sombre et sourd sur la scène.
Simon Abkarian, figure noire altière et souveraine en rabat pourtant - , il égraine son texte dans la précipitation - voix sourde et rapide qui s’enfuit -, revenant sur le passé et osant à peine croire à un avenir autre, tandis que Marie-Sophie Ferdane, majestueuse Hélène, s’ajuste naturellement à sa vérité retrouvée, longtemps bafouée sous le regard masculin, sa convoitise.
Nos âmes se reconnaîtront-elles ?, texte et mise en scène de Simon Abkarian. Avec Simon Abkarian et Marie-Sophie Ferdane, musique et voix Ruşan Filiztek et Eylül Nazlier, collaboration artistique Pierre Ziadé, création lumière Jean-Michel Bauer. Du 16 janvier au 2 février 2025, mercredi, jeudi, vendredi 20h, samedi 18h, dimanche 15h, au Théâtre-Nanterre Amandiers. Le 8 avril 2025 Théâtre de Villefranche-sur-Saône. Le 6 mai 2025 Théâtre Ducourneau, Agen. Du 21 au 23 mai 2025, Maison de la culture Amiens, Comédie de Picardie.
Crédit photo : Antoine Agoudjian.
