Les Téméraires de Julien Delpech et Alexandre Foulon
Un spectacle indispensable à voir et à revoir !

La France est divisée par l’Affaire Dreyfus. Des familles se déchirent, on se bat en duel, on s’invective. L’honneur du Capitaine Dreyfus est au centre de conversations terribles. Il est accusé d’espionnage.
Une vague d’antisémitisme inique s’abat sur la France. Il faut vraiment être téméraire pour se lancer dans le combat.
Emile Zola est un auteur consacré, ses livres se vendent très bien. Pour ses romans, il a pris l’habitude d’observer, de se documenter, adoptant une méthode de chercheur. C’est un grand travailleur. Il étudie l’Affaire Dreyfus. Il arrive à cette conclusion, Dreyfus est un bouc émissaire idéal et de plus il est juif. L’enquête est menée à charge.
Zola, malgré les avertissements de son éditeur et de certains de ses amis se jette dans ce combat pour la vérité et l’honneur d’un capitaine et de la France.
Le 13 janvier 1898, l’Aurore publie « J’accuse lettre au Président de la République ». Zola souligne les incohérences de l’affaire. L’écrivain est un polémiste dont l’insolence et la pertinence ne sont plus à prouver. Il n’accuse pas sans preuves. Il sait très bien qu’il s’expose à des poursuites judiciaires. Il est soutenu par ses femmes car Zola a deux foyers, celui avec sa femme légitime Alexandrine, une forte femme intelligente et celui avec Jeanne, la mère de ses deux enfants.
J’accuse met sur la place publique cette affaire que les politiques et les militaires auraient aimé mettre sous le boisseau.
Georges Méliès, qui n’est pas encore tout à fait l’enchanteur de Montreuil, s’est jeté dans l’aventure du cinématographe. Prestidigitateur de talent et directeur du théâtre Robert-Houdin, il tourne des films, des comédies avec des fées, des femmes papillons, des chaudrons magiques. Il crée des effets spéciaux qui pour la plupart sont des artifices scéniques. L’Affaire Dreyfus le passionne. L’arme de Zola c’est l’écriture pour Méliès c’est l’image. Il décide de tourner un long métrage de 13 minutes. Il réalise le premier film politique de l’histoire du cinéma. Le film est censuré, mais Méliès fuit à Londres où il sera projeté avec un retentissement inouï, et mondial.
Pour une première pièce, les auteurs Julien Delpech et Alexandre Foulon ne font pas dans la facilité et leur réussite nous touche.
Zola et Méliès unis dans un même combat, cela pouvait paraitre aléatoire. Les auteurs ont travaillé comme l’auteur de l’Assommoir, ils se sont documentés, ont pisté les détails pour nous fournir une pièce passionnante qui ouvre les esprits et touche le cœur. Ils décrivent des hommes courageux qui se battent au mépris de leur propre confort.
Si le sujet est grave, ils mettent beaucoup d’humour dans leurs dialogues. Ils ont ciselé des répliques en prenant garde au vocabulaire de l’époque. Le tournage du film en différents tableaux est savoureux. Les trucages, les artifices dont usent Méliès sont délicieusement drôles.
Charlotte Matzneff, excellente comédienne, nous offre une mise en scène épatante. Pas de temps mort, une fluidité, une ingéniosité qui se met au service du texte. Au milieu de la scène un meuble qu’il faudrait breveter. Il sera bureau, piano, table, estrade. Un tiroir qui se tire, une tablette déployée et nous voici propulsé à Montreuil, dans un journal ou ailleurs. La grande verrière et les lumières subtiles, les costumes d’époque, et la musique de Mehdi Bourayou nous plongent dans l’atmosphère de l’époque.
Au salut nous comptons les comédiens, mais où sont-ils tous ? Ils sont bien là, les sept fantastiques qui interprètent pas moins de trente rôles.
Leur dynamisme, leur invention nous donne le tournis. Il sera difficile de s’imaginer Zola autrement que sont les traits de Romain Lagarde qui est impressionnant.
Les Téméraires est l’un des meilleurs spectacles du moment.
Les Téméraires - Comédie historique de Julien Delpech et Alexandre Foulon
Mise en scène Charlotte Matzneff avec Arnaud Allain, Stéphane Dauch, Armance Galpin, Romain Lagarde, Barbara Lamballais, Sandrine Seubille, Thibault Sommain
Musique Medhi Bourayou, costumes Corinne Rossi, lumières Moïse Hill, scénographie Antoine Milian, assistante mise en scène Manoulia Jeanne
Comédie Bastille 5, rue Nicolas Apert, 75011 Paris
01 48 07 52 07
Photo : Crédit / Copyright : Grégoire Matzneff